« « Djerijef Sonko ! » (« Merci Sonko ! » en wolof, la langue principale du Sénégal), a résonné le mardi 2 avril. Alors que Bassirou Diomaye Faye, devenu à 44 ans le cinquième président sénégalais, prêtait serment, l’applaudimètre était au maximum pour un autre individu, Ousmane Sonko. Malgré sa position discrète, le chef du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef, qui a été dissous en juillet 2023 par le gouvernement), a captivé tous les regards sans prononcer un seul mot. Son image a même été mise en évidence par le cameraman de la télévision sénégalaise lors de la prestation de serment de Bassirou Diomaye Faye devant le Conseil constitutionnel, suscitant l’enthousiasme de la foule pour ce nouveau visage.
Cette bataille politique a été remportée par deux figures clés qui ont su se démarquer. Ousmane Sonko, populaire mais condamné par un tribunal, ce qui l’a empêché de concourir aux élections présidentielles, a cédé sa place à son second, un inconnu pour le grand public jusqu’à présent. C’est cette stratégie suprenante qui a mené à un succès exceptionnel : les opposants ont recueilli 54 % des voix lors du premier tour. »
Bassirou Diomaye Faye, étant maintenant le plus jeune président élu en Afrique, s’est affiché en costume bleu foncé au centre d’exposition de Diamniadio. Suite à son élection, il a manifesté son entendement du désir pressant de transformation systémique exprimé par le verdict du scrutin. Il s’est engagé à œuvrer pour le maintien de la tranquillité et de l’union nationale, toujours en gardant en mémoire l’importance de la stabilité de notre pays, notre trésor le plus estimable. Il a garanti, devant ses deux épouses, qu’il ferait tout pour que le pays soit un lieu d’aspiration et d’apaisement, avec un système judiciaire autonome et une démocratie affermie.
Faye, après une campagne rapide et un essor fulgurant, a réalisé l’exploit d’être élu en tant que candidat anti-établi. Son parti, malgré sa rhétorique parfois extrême, a connu une répression intense au cours des trois dernières années, causant environ soixante morts, selon Amnesty International. Des centaines de militants ont été incarcérés, y compris Faye lui-même et Ousmane Sonko, encore en détention deux semaines avant le scrutin du 24 mars. Le processus électoral a paru compromis jusqu’à la dernière minute, avec le report de l’élection d’un mois. Le Conseil constitutionnel, qui était chargé de superviser l’élection, a été emporté dans la tourmente, accusé d’avoir été suborné pour modifier les listes électorales pendant le processus.
Mamadou Badio Camara, le président du Conseil constitutionnel, a annoncé que l’élection présidentielle, qu’on croyait perdue, avait pu se dérouler sans aucune irrégularité malgré un délai réduit. Au cours de son discours, il a fait l’éloge du Président sortant Macky Sall pour sa détermination à reprendre le contrôle du processus électoral en un temps record. Il a également exprimé son admiration pour le grand peuple, qui malgré les morts, les blessures irréversibles, les libertés bafouées et les carrières brisées, a montré son attachement à la paix et aux valeurs républicaines. Bassirou Diomaye Faye, sous les applaudissements, a ajouté qu’il garderait toujours en mémoire les sacrifices consentis pour ne jamais décevoir.
Après douze années de présidence de Macky Sall, les attentes sont énormes à l’égard de cet ancien fonctionnaire fiscal. Beaucoup de questions se posent sur cet homme qui a rapidement gravi les échelons pour atteindre le sommet de l’État. Bassirou Diomaye Faye, comme son mentor à qui il avait aidé à élaborer le programme politique, s’est engagé à faire de la lutte contre la corruption et de la bonne gouvernance ses priorités. Il a évoqué une « aspiration commune à plus de souveraineté ».
Les premières actions internationales qu’il prévoit d’entreprendre seront observées de près, notamment sa volonté de former de nouveaux partenariats, de quitter le franc CFA, et renégocier les accords miniers et les contrats pétroliers et gaziers, dont la mise en œuvre est prévue cette année. L’investiture n’était présence que par des dirigeants africains, officiellement en raison des exigences de sécurité et de protocole. Les autres pays, y compris la France, étaient représentés par leurs diplomates. Le président de la Mauritanie, Mohamed Ould Ghazouani, également président en fonction de l’Union africaine, le chef de l’État de Gambie, Adama Barrow, et le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, ainsi que le dirigeant guinéen Mamady Doumbouya, étaient présents.
Tandis que les dirigeants militaires du Mali et du Burkina Faso, d’abord attendus, se sont finalement fait représentés. Les proches de Bassirou Diomaye Faye affirment que le nouveau président se consacre à la réintégration des trois pays de l’Alliance des États du Sahel dans la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). « Face aux vastes défis de sécurité et à d’autres nombreux défis que nous confrontons en Afrique, nous devons faire preuve de plus de solidarité. J’écoute le discours des élites décomplexées qui expriment clairement notre désir commun d’augmenter notre souveraineté », a déclaré le jeune leader devant le président du Nigeria, Bola Tinubu, à la tête de la CEDEAO.
Après avoir salué la foule réduite de militants sur place, Bassirou Diomaye Faye a quitté le centre d’exposition. Il s’est ensuite dirigé vers la résidence présidentielle, où il a été honoré par la garde républicaine. Macky Sall, vêtu d’un caftan blanc, l’a reçu au pied des marches du palais. Les arrêtés concernant la fin des mandats du premier ministre et des membres du cabinet présidentiel avaient été annoncés dans la matinée par le Journal officiel. L’ancien président a quitté les lieux sous le regard vigilant de son ancien opposant. Bassirou Diomaye Faye se tenait seul sur les marches du palais, sans Ousmane Sonko à ses côtés.
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