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2 avril 2024 22 h 07 min

Tollé en Turquie après invalidation électorale prokurde

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La révocation de l’élection d’un maire du parti kurde en faveur du parti dominant à Van, à l’est de la Turquie, a provoqué une vive indignation le mardi 2 avril, qui s’est même manifestée à Istanbul. Abdullah Zeydan a remporté l’élection dimanche avec 55,48% des votes dans cette grande ville à majorité kurde, renommée pour son lac et située près de la frontière iranienne. Son adversaire principal, du Parti de la justice et du développement (AKP) du président, Recep Tayyip Erdogan, qui par ailleurs a été largement défait dans de nombreuses grandes villes du pays, n’a reçu que 27,15% des votes.
Le DEM (anciennement HDP), qui est la troisième force politique au Parlement et le principal parti kurde de Turquie, dénonce une décision « illégitime » de la commission électorale qui, selon lui, aurait contesté les droits politiques de M. Zeydan vendredi, moins de quarante-huit heures avant le vote.
Le parti kurde soutient que son candidat avait « répondu à toutes les exigences légales et obtenu la validation de sa candidature par le Haut Conseil électoral (YSK) ». « Le ministère de la justice tente de usurper la volonté du peuple de Van. C’est un coup d’État politique « , a répondu le co-président du DEM, Tuncer Bakirhan, lors d’un rassemblement devant le Haut Conseil électoral à Ankara.
« Nous refusons la décision de la commission électorale provinciale de Van de donner le mandat de maire de la métropole au candidat de l’AKP », a rétorqué le parti dans un communiqué.
Des barricades ont été érigées à Van
Des centaines de partisans se sont réunis devant le siège du parti à Van pour montrer leur soutien à l’élu, lançant des feux de bengale et érigeant des barricades, comme le montrent des images de l’agence de presse turque DHA.

La police a réagi en utilisant des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les manifestants. Une centaine d’individus ont également formé un rassemblement dans l’atmosphère tendue à Kadikoy, en Asie, un lieu traditionnellement rebelle contre le gouvernement, où les participants ont chanté un rejet des fonctionnaires nommés par le gouvernement et une défense du peuple kurde.
Réagissant à la rétention du mandat de l’officier élu du DEM party à Van par X Ekrem Imamoglu, le maire d’Istanbul actuel réprouve cette action comme un déni de la volonté du peuple et déclare qu’elle n’est pas acceptable.
Omër Celik, porte-parole de l’AKP, lors d’une conférence de presse, a rétorqué que les décisions électorales relèvent de la compétence de la commission électorale et que le gouvernement ne peut intervenir. Il a soutenu que le droit de tous à réagir de manière démocratique est respecté, mais que cela ne justifie pas le recours à la violence.
L’opposition a interpellé Erdogan, en particulier l’ancien coprésident du HDP, Selahattin Demirtas, qui est en prison depuis 2016 pour terrorisme. Selahattin Demirtas a dénoncé une contradiction entre la promesse électorale d’Erdogan d’honorer la volonté du peuple et les actions récentes à Van. Il a aussi appelé le peuple, spécifiquement les habitants de Van et les groupes pro-démocrates, à résister à cette décision illégale.

Abdullah Zeydan, qui avait été élu député du HDP en 2015, a été arrêté l’année suivante avec plusieurs autres membres de son parti. Les dirigeants l’ont accusé d’avoir assisté à des funérailles de militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation armée considérée comme terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux, que les autorités lient au principal parti prokurde en Turquie. M. Zeydan a été incarcéré puis libéré au début de 2022.

Après les élections de 2019, une cinquantaine de maires du HDP dans le sud-est de la Turquie ont été remplacés par des fonctionnaires nommés par le gouvernement. Ces vagues successives d’arrestations et de révocations ont provoqué des tensions régionales et des expressions de colère de la part de l’Occident.