Le chorégraphe japonais Ushio Amagatsu, fondateur de la compagnie d’hommes Sankai Juku (« l’atelier de la montagne et de la mer ») en 1975, nous a ouvert les portes de son monde lors d’une soirée magique au Théâtre de la Ville, à Paris. Il avançait avec grâce, les mains tendues comme des antennes vers une frontière invisible entre spectacle et rituel, le visage peint de blanc, le regard perdu au loin. Soudain, le mystère inhérent aux mouvements, à nous-mêmes et à la vie nous a submergés. Les visites ultérieures du maître de danse japonais étaient toujours une invitation à rencontrer les forces invisibles.
Ushio Amagatsu, connu en réalité sous le nom de Masakazu Ueshima, s’est éteint le 25 mars à Yugawara, sa ville natale située à une centaine de kilomètres de Tokyo, des suites d’un cancer. Le dernier privilège de le voir en personne a eu lieu en avril 2019 à Kitakyushu, sur l’île de Kyushu, lors de la représentation d’Arc, qui a été déplacé au mois suivant au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, à cause d’une maladie. Après avoir subi une intervention chirurgicale fin 2017, Ushio Amagatsu a dû pour la première fois depuis la création de Sankai Juku se retirer du centre de la scène, bien qu’il soit resté actif en tant que chorégraphe.
Son dernier chef-d’œuvre, nommé Totem, a été présenté au Japon en mars 2023. Cette représentation vient ajouter la touche finale à une série de vingtaines de performances, toutes structurées en sept scènes et d’une durée de 85 minutes. Chacune, existant entre sable et eau, cendres et sang, explore un « dialogue avec la gravité » (le titre de son livre publié par Actes Sud), en cherchant « l’oscillation éternelle de tout, en quête d’équilibre », comme l’a souligné le danseur.
Poursuite d’un art existentiel brut et intense
Ushio Amagatsu est né le dernier jour de l’année 1949. Il aimait partager le fait que, contrairement à certaines traditions japonaises de changer la date de naissance pour le premier jour de l’année signifiant un nouveau départ, ses parents ont conservé la sienne. Son enfance a été marquée par sa proximité avec l’océan, grandissant à côtés de la plage de Yokosuka, sa ville de naissance, située sur la péninsule de Miura, au sud de Tokyo. Son travail tire inspiration de cette relation avec la mer et nourrit le va-et-vient de son mouvement. En 2014, lors de la mise en scène de sa pièce emblématique, Kinkan Shonen (Graine de Cumquat, 1978), il a confié que celle-ci était « directement inspirée par cette période de sa vie ».
L’article continue, disponible uniquement aux abonnés avec 42,91% du contenu restant.
Laisser un commentaire