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« La Santé: Étudiants DU étudient la prison »

La liste de participation est en train d’être passée dans la petite salle de classe éclairée par des néons. Chacun des 11 étudiants présents inscrit son nom à tour de rôle. Au lieu d’un prénom, des chiffres sont inscrits à côté. Le visiteur met quelques secondes pour comprendre : c’est un numéro d’immatriculation. Il est 14 heures, ce lundi de février, et la leçon de psychologie du diplôme universitaire (DU) « formations aux humanités-lettres et sciences humaines » vient juste de commencer à la prison de la Santé, située au cœur du 14ème arrondissement de Paris.

Ce programme est unique : ce DU, assuré par des enseignants de l’université Paris Cité, est le seul diplôme d’enseignement supérieur en France qui se donne en personne en prison. Tous les autres sont effectués par correspondance. Cette opportunité est offerte à la prison de la Santé ainsi qu’à celle de Fresnes (Val-de-Marne). « C’est un diplôme qui requiert un engagement significatif de la part des étudiants », note Thibault Collin, professeur de psychologie. Cinq demi-journées de cours par semaine, d’octobre à mai, avec des examens à la fin de chaque semestre.

Sur le tableau blanc, des mots forment un réseau inhabituel : « psyché », « fonctionnement du cerveau », « Freud », « guerres », « accidents », « rêve ». Thibault Collin explique à un public captivé l’histoire de la naissance de la psychanalyse et des neurosciences, avant de poser une petite énigme. « Quelle est la seule âme que l’on puisse tenir dans sa main ? », demande l’enseignant en souriant. « Une âme charitable ? », propose un détenu. « Une âme sœur ? », suggère un autre. « C’est une partie du violoncelle », tranché un troisième.

Garder la tête hors de l’eau

On se lasse presque de l’endroit où l’on se trouve pour l’espace d’un moment. Uniquement presque. La réalité revient rapidement avec la vue sur les barreaux des fenêtres, le prolongement d’un mur par un grillage sans fin et le doux son des clés des gardiens suspendues à leur taille. « Je ne l’oublie jamais, » avoue Idrissa, tout en regardant son grand carnet rempli d’une écriture serrée. « Chaque fois que je tourne ma tête, je vois les barreaux et je retourne à la cellule après la classe. Cependant, ça aide définitivement à tolérer l’emprisonnement », explique ce jeune homme de 21 ans, vêtu d’une tenue sportive. Arrivé à La Santé en avril 2023, il admet qu’il n’avait pas initialement souhaité participer au programme, gardant l’espoir de sortir rapidement.

Pourquoi sont-ils ici? Vols, trafic de drogues, violence familiale, agression sexuelle? La raison de leur détention est jamais mentionnée. Il est en effet interdit de les interroger à ce sujet. Certains attendent leur jugement à La Santé, une prison d’arrêt, parfois pendant des années. D’autres ont déjà été condamnés et purgent leur peine, généralement inférieure à deux ans. Ils sont âgés de 21 à 35 ans, proviennent de milieux variés et ont un niveau d’éducation varié, allant d’un bac professionnel à un master. Néanmoins, pour tous, s’inscrire à ce programme est une façon de garder l’esprit en bonne santé dans ces conditions difficiles.

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