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2 avril 2024 10 h 07 min

« Kiev abat neuf drones ukrainiens »

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Comment Moscou et Kiev mobilisent-ils des drones?
Au cours des derniers mois, la guerre des drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint un niveau sans précédent. Selon un rapport édité en mai 2023 par un groupe de réflexion britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdaient approximativement 10 000 drones par mois sur le front, soit plus de 300 chaque jour. En comparaison, les forces françaises disposent d’un peu plus de 3 000 avions sans équipage dans leur arsenal.
Les Ukrainiens et les Russes emploient principalement de petits UAV (véhicules aériens sans pilote, en anglais), issus du secteur civil, abordables et disponibles en grande quantité. Ils sont utilisés pour surveiller le champ de bataille et pour mener les troupes ou les tirs d’artillerie; certains sont adaptés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien que moins présents, jouent un rôle crucial. Equipés d’explosifs, ces UAV sont projetés au-dessus de la ligne de bataille sans mission prédéfinie. Les Lancet-3 russes, ainsi que les Shahed-136 fabriqués en Iran, sont employés par Moscou. En dépit de son absence de flotte de guerre impressionnante, l’Ukraine déstabilise l’adversaire avec ses véhicules maritimes télécommandés, de petits kayaks bourrés d’explosifs (450 kilos de TNT).

Les drones sont d’une importance capitale pour les opérations ukrainiennes et russes, qui ont ainsi organisé des mesures pour soutenir leurs troupes dans la durée, non seulement en acquérant en grande quantité des drones civils sur le marché, mais aussi en créant leurs propres capacités de production. L’industrie nationale ukrainienne, qui n’en était qu’à ses balbutiements à l’époque de la guerre du Donbass il y a une décennie, a depuis lors gagné en puissance. Au mois d’août dernier, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé la conception d’un clone du drone russe Lancet, qui sera bientôt mis en route sous l’appellation de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.

Entravée par les sanctions occidentales restreignant son accès à des composants électroniques, la Russie éprouve des difficultés. Néanmoins, d’après les services de renseignements américains, Moscou aurait entamé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga, destinée à produire des drones-kamikazes de conception iranienne, tels que les Shahed-136.

Qu’en est-il des stocks de missiles russes ?
C’est un véritable défi, si ce n’est impossible, d’évaluer l’état actuel des stocks de missiles de l’armée russe. Les services de renseignement ukrainiens partagent régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs estimations sont sujettes à interprétation.

D’après Andri Ioussov, le représentant des services de renseignement du ministère de la défense (GUR), cité par Liga.net, l’arsenal russe comptaient 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le conflit et plus de 900 dès le début de l’année. Le porte-parole a également révélé la présence de milliers de missiles antiaériens S-300 d’une portée de 120 kilomètres environ, ainsi qu’un grand nombre de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août, Vadym Skibitsky, le second du GUR, a déclaré que l’arsenal comprend 585 missiles ayant une portée supérieure à 500 kilomètres.

En ce qui concerne la production, elle serait maintenant d’autour de 100 missiles balistiques ou de croisière par mois, selon plusieurs spécialistes. En octobre, la production était estimée par le GUR à 115 unités.

Par ailleurs, la Russie aurait obtenu en Iran et en Corée du Nord des missiles de courte portée et continuerait d’en acquérir. L’agence Reuters, citant plusieurs sources iraniennes, indique qu’environ 400 missiles iraniens Fateh-110 (300 à 700 kilomètres) auraient été livrés depuis janvier, date d’un supposé accord. Le chiffre exact de missiles nord-coréens acquis par la Russie est inconnu, cependant, 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. D’après l’analyse des débris et des trajectoires par les experts, il semblerait qu’il s’agisse probablement de KN-23 et KN-24 d’une portée d’environ 400 kilomètres.

Enfin, qu’en est-il des avions de combat F-16 ?

À la suite d’une demande à long terme du leader ukrainien, en août 2023, les États-Unis ont approuvé le transfert de chasseurs F-16 à l’Ukraine. Plus de 300 F-16 sont disponibles dans neuf pays européens, y compris la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, mais tous ne peuvent pas immédiatement les céder.

Volodymyr Zelensky a indiqué que 42 F-16 ont été promis à Kiev par les alliés occidentaux, mais ce chiffre n’a pas été vérifié. Le Danemark en a promis 19, avec les six premiers à être livrés à la fin de 2023, huit supplémentaires en 2024 et cinq autres en 2025, selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également fait une promesse, ont 42 unités, mais n’ont pas déclaré combien ils prévoient de transférer.

De plus, les pilotes ukrainiens doivent recevoir une formation pour piloter ces avions de combat américains. Onze alliés de Kiev se sont engagés à former ces pilotes. Selon l’OTAN, les troupes ukrainiennes ne seraient capables d’utiliser ces avions en combat qu’au début de 2024, tandis que d’autres experts prévoient l’été de la même année.

Quel est le soutien militaire fournit par leurs alliés à Kiev ?

Deux ans après l’escalade du conflit, le soutien occidental à Kiev diminue, comme l’indique le dernier rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024. Les données, qui couvrent la période d’août 2023 à janvier 2024, montrent une baisse de l’aide nouvellement mobilisée par rapport à la même période de l’année précédente. De plus, cette tendance à la baisse pourrait continuer, l’Union européenne ayant du mal à approuver une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison de l’opposition hongroise, et le Sénat américain ayant également du mal à voter pour de nouvelles aides.

Le rapport de l’institut allemand souligne que le groupe de donateurs se rétrécit et se concentre autour d’une poignée de pays : les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe qui promettent à la fois une aide financière importante et de l’armement moderne. Depuis février 2022, les pays en soutien à Kiev se sont engagés à verser au moins 276 milliards d’euros en aide militaire, financière et humanitaire.

Les pays les plus aisés ont été les plus généreux en termes d’aide, avec les États-Unis en tête, ayant promis plus de 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards sous forme d’aide militaire. En outre, les pays de l’Union européenne ont annoncé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides communes des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

Quand on compare les donations à chaque pays en fonction de leur produit intérieur brut (PIB), la position des États-Unis chute à la vingtième place, avec seulement 0,32 % de leur PIB, bien derrière certaines anciennes républiques soviétiques ou pays limitrophes à l’Ukraine. La première place est occupée par l’Estonie avec 3,55 % de son PIB, suivie du Danemark (2,41 %) et de la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) complètent le top 5. Les trois pays baltes, tous partageant des frontières avec la Russie ou la Biélorussie, figurent parmi les bailleurs les plus généreux depuis le commencement du conflit.
Quant au classement en fonction du pourcentage du PIB, la France occupe le 27ème rang, avec un engagement à hauteur de 0,07 % du PIB, légèrement derrière la Grèce (0,09 %). L’aide accordée par la France a constamment diminué depuis le début de l’invasion ukrainienne par la Russie – la France se trouvait en 24ème position en avril 2023, et à la 13ème position en été 2022.
De quoi a-t-on connaissance concernant les tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?

L’Ukraine et la Pologne ont connu des difficultés relationnelles ces derniers mois, avec le transport des céréales ukrainiennes étant un point central de discorde. Au printemps 2022, « des corridors de solidarité » ont été instaurés par la Commission européenne pour soutenir l’exportation sans frais douaniers de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Cependant, depuis l’instauration de ce conflit, près de la moitié des céréales ukrainiennes sont transportées ou finalisent leur voyage au sein de l’Union Européenne (UE), selon le think tank Farm Foundation qui se spécialise dans les problématiques agricoles mondiales. Ces céréales sont vendues à un prix nettement inférieur à celui du blé produit en UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale.

La Pologne, ainsi que la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie, soutiennent que ces céréales déstabilisent leur marché local et affectent par conséquent les profits de leurs agriculteurs. En réponse, ils ont unilatéralement bloqué leurs importations en avril 2023. Bruxelles était d’accord avec cet embargo, mais uniquement si celui-ci n’interferait pas avec le transport vers d’autres pays et ne durerait que quatre mois. Varsovie a choisi de maintenir sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, malgré l’opinion de Bruxelles que l’embargo n’était plus nécessaire – des études montraient qu’il n’y avait pas de distorsion des marchés nationaux des céréales.

Dans un effort pour interdire l’entrée de camions ukrainiens sur le sol national, les agriculteurs en Pologne font le siège à la frontière ukraino-polonaise. Ils revendiquent l’interdiction totale des produits alimentaires et agricoles en provenance de l’Ukraine. Leurs protestations sont principalement motivées par l’augmentation fulgurante de leurs coûts de production en parallèle d’une saturation des entrepôts et des silos, associée à une chute des prix. En 2024, le Président ukrainien s’est exprimé en interprétant ce blocus de la frontière polonaise comme une « détérioration de la solidarité » envers l’Ukraine, et a demandé l’ouverture de dialogues avec la Pologne. Il a également accusé ces tensions de faire le jeu de Moscou, en faisant noter la présence de « slogans pro-Poutine ».