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Critiques sur la suppression d’allocation chômage

La proposition d’élimination de l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) a été qualifiée d' »explosif social » et une menace à la stabilité des personnes sans emploi, selon Arthur Delaporte, le député socialiste du Calvados, mardi 2 avril, comme publié dans Libération. Cette observation a été faite en rapport à un document de la Fondation Jean Jaurès.

Cette initiative a été annoncée par le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de son allocution devant l’Assemblée Nationale le 30 janvier. La proposition a depuis créé des remous parmi ceux impliqués dans la protection sociale ainsi que dans les départements.

Qu’est-ce que l’ASS ?

Le soutien financier de ce programme, attribuant 18,17 euros par jour (soit 545,10 euros mensuels), est destiné à assister ceux qui sont à la fin de leurs droits de chômage, en complétant leurs revenus ou en assurant un revenu de base. L’ASS, instaurée en 1984, est délivrée par France Travail (anciennement Pôle emploi) en versements renouvelables tous les six mois. Elle est attribuée en fonction de l’activité précédente et des revenus.

Pour y être éligible, il faut :
– avoir été employé au minimum cinq ans au cours des dix années précédant la perte de l’emploi ;
– avoir par ailleurs un revenu inférieur à la limite fixée, qui change chaque année (actuellement 1 271,90 euros mensuels pour une personne seule et 1 998,70 euros pour un couple).
L’ASS est également applicable à certaines professions spécifiques, notamment les artistes indépendants, les pêcheurs marins et les dockers occasionnels.

D’après le rapport le plus récent de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees), 321 900 individus bénéficiaient de l’Aide Spécifique de Solidarité (ASS) à la fin de l’année 2021, une baisse pratiquement constante depuis 2016. Cette aide est distribuée presque uniformément entre hommes (53%) et femmes (47%), et elle est principalement destinée aux individus en fin de carrière (40% des bénéficiaires ont entre 50 et 59 ans).

Pourquoi ce désir du gouvernement de supprimer l’ASS ?
Dans son discours sur la politique générale, le Premier Ministre Gabriel Attal a décrit l’ASS comme une ‘source d’inactivité’, soulignant qu’elle ‘maintient les aides même après la fin du chômage’. Selon lui, une élimination graduelle de l’ASS encouragerait les chômeurs à réintégrer le marché du travail. Cette mesure s’aligne avec sa volonté générale de ‘stimuler le travail en promouvant l’activité’.

Ce serait également une façon pour l’État de faire des économies, puisqu’il finance l’ASS grâce à son budget de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances. Alors que le ralentissement de la croissance économique pourrait entraver la réduction du déficit et que la note de la dette publique de la France risque d’être dégradée, le gouvernement est à la recherche de moyens d’économiser. En l’état actuel des choses, supprimer l’ASS pourrait signifier plus de 2 milliards d’euros de dépenses en moins. ‘Rechercher un modèle social plus efficace et moins coûteux n’est pas un gros mot, c’est une nécessité’, a affirmé Gabriel Attal dans son discours.

Qu’est-ce qui pousse les organisations à s’y opposer ?
L’annonce de la suppression de l’ASS a déclenché une vague de critiques de la part de plusieurs groupes touchés par cette mesure.
1. Les personnes en situation de précarité qui ne cotiseront plus.

Suite à l’abolition de l’ASS, ses bénéficiaires se verraient transférés vers le revenu de solidarité active (RSA). Bien que le RSA offre un montant un peu plus élevé (607,75 euros par rapport à 545,10 euros par mois), cette allocation présente plusieurs inconvénients :
– les ressources considérées pour le calcul du RSA sont plus nombreuses (incluant par exemple les aides au logement), ce qui pourrait rendre certains bénéficiaires de l’ASS non éligibles ;
– une récente réforme oblige les bénéficiaires du RSA à effectuer quinze heures de travail par semaine (la mesure est pour le moment mise en œuvre à titre expérimental dans certains départements, mais sera mise en place dans tout le pays en 2025) ;
– tandis que l’ASS permet de contribuer à la retraite, le RSA ne le permet pas.
En conséquence, l’élimination de l’ASS pourrait exacerber la précarité des personnes déjà vulnérables. Hugues Vidor, le président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), met en garde dans L’Obs contre le risque d’augmenter la pauvreté massive et de créer un « baril de poudre économique et social ».
Cette réforme risque surtout de précariser les personnes en fin de carrière. D’une part, ils doivent rester actifs plus longtemps pour prendre leur retraite, sans réforme pour rendre les postes plus attrayants pour les seniors. D’autre part, avec la suppression de l’ASS, leur retraite est retardée car le RSA ne permet pas de cotiser. En bref, cette réforme les menace de rester en activité plus longtemps, avec moins de ressources.
2. Réduction des aides pour 15 000 adultes en situation de handicap.

L’élimination de l’ASS provoque également une préoccupation parmi les interlocuteurs liés à l’handicap. Jusqu’ici, les handicapés qui avaient épuisé leurs droits pouvaient cumuler l’ASS et l’AAH (l’Allocation aux adultes handicapés). Cette combinaison, autorisée de manière exceptionnelle jusqu’en 2026, s’arrêtera avec l’élimination de l’ASS.

En théorie, le RSA peut être cumulé avec l’AAH. Toutefois, puisque le montant de l’AAH (jusqu’à 971,37 euros) est plus élevé que celui du RSA, le cumul devient impossible. Seul un versement partiel est possible pour ceux qui reçoivent un RSA supérieur à l’AAH (comme les parents célibataires avec des enfants). Selon les estimations du site spécialisé Faire face, environ 15 000 personnes actuellement touchées par le cumul avec l’ASS pourraient être « désavantagées si la réforme ne tient pas compte de leur situation spécifique ».

Dans le budget 2024, le gouvernement a voté pour une mesure qui facilite le cumul de l’AAH avec un emploi, soulignant que « l’inclusion et le support des personnes handicapées restent au centre [de ses] priorités ».

3. Un cadeau gâté pour les budgets des départements

Enfin, la suppression de l’ASS a des implications pour les budgets des départements, qui financent le RSA, qui est censé le remplacer. Le président du conseil départemental de la Vienne, Alain Pichon (divers droite), a déploré une décision qui est « inacceptable », avec des « impacts financiers considérables », de l’ordre de 7,3 millions d’euros dans son seul département.

D’après François Sauvadet, le président de l’association d’élus Départements de France, l’Etat joue avec les chiffres pour cacher un déficit public supplémentaire de 3,5 milliards et tranquilliser les agences de notation. Il souligne que chaque année, l’Etat transfère discrètement 10 milliards d’euros de dépenses sociales aux départements sans compensation, en particulier les allocations de solidarité individuelles (RSA, APA, PCH). Il avertit qu’à terme, cette pratique sera remarquée, surtout lorsque ces dépenses ne pourront plus être assumées. Cela affectera forcément les budgets départementaux dédiés à d’autres politiques publiques, comme la transition écologique, l’entretien des routes et l’éducation.

De plus, selon une recherche effectuée par trois personnalités socialistes pour la Fondation Jean Jaurès, la suppression de l’ASS entraînera principalement une diminution de revenus pour les couples précaires sans enfants. La plus grande chute de revenus concernera ceux qui vivent avec un revenu mensuel situé entre 1 060 et 1 766 euros, qui perdront l’équivalent d’un mois de revenus sur une année (environ -1 627 euros pour 1 591 euros de revenus mensuels). La seule exception concerne les couples très précaires (avec des revenus mensuels inférieurs à 1 060 euros) avec enfant à charge, qui verront leur revenu annuel augmenter de 338 à 506 euros.

Le texte a été mis à jour le 23 février à 17 heures pour rectifier une erreur concernant la combinaison entre le RSA et l’AAH.

« Actualisation du 2 avril 2024 : l’ajout des résolutions du rapport de la Fondation Jean Jaurès a été effectué. Participez et réexploitez ce contenu. »

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