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Dans le petit appartement du quatrième étage d’un vieil immeuble Turinois transformé en espace de création littéraire, vous trouverez l’historien et auteur Carlo Greppi, 42 ans, travaillant au milieu d’œuvres complétées et de textes conçus mais non encore réalisés. Une couverture agrandie de « Il buon tedesco » (« Le Bon Allemand », Editori Laterza, 2021, non traduit), où Greppi dépeint le parcours d’un officier de la Wehrmacht qui a rejoint la résistance italienne en 1944, est présentée dans le cadre de la fenêtre.
Un extrait découpé d’un journal faisant écho à son texte controversé « L’antifascismo non serve più a niente » (« L’antifascisme ne sert plus à rien », Editori Laterza, 2020, non traduit), en faveur de la culture politique en difficulté en Italie depuis environ 30 ans, est accroché au mur.
Entre sa bibliothèque et la cuisine, où il a aménagé son bureau, une étagère se consacre à l’object du dernier livre de Greppi, « Un Homme Sans Mots » (JC Lattès). Ce livre sera publié en France le 3 avril après avoir vu le jour en Italie un mois plus tôt, en mars 2023. L’histoire de la Seconde Guerre Mondiale fascine profondément Greppi qui écrit des essais autant que des romans pour les plus jeunes. Son ouvrage met en lumière la vie de Lorenzo Perrone, un maçon analphabète de la région du Piémont, qui, devenu synonyme d’anonymat, a partagé ses rations maigres avec Primo Levi (1919-1987) à Auschwitz et est inscrit depuis 1998 au registre des Justes parmi les Nations du mémorial de Yad Vashem. Perrone a joué un rôle crucial.
C’est grâce à cet écrivain turinois de renom que l’auteur résistant, arrêté en décembre 1943 et déporté pour son judaïsme quelques mois après, a réussi à survivre. Levi, dans son chef-d’œuvre de 1947, « Si c’est un homme », un témoignage significatif de l’expérience des camps de concentration et une réflexion cruciale sur les processus totalitaires de démolition de la dignité humaine, rend hommage à Perrone en écrivant : « Lorenzo était purement et simplement humain ; ce monde de négation lui était inconnu. Je dois à Lorenzo le fait de ne pas avoir perdu la conscience de ma propre humanité. »
« Dans l’ensemble de l’oeuvre de Primo Levi, Lorenzo Perrone n’apparaît que sur une douzaine de pages environ et pourtant il joue un rôle crucial dans sa réflexion », déclare Carlo Greppi, assis dans son fauteuil, entouré d’étagères remplies de livres consacrés au fascisme, aux partisans italiens, à l’histoire de l’Holocauste, à la question des frontières et des migrations. « Avec son jugement clair omettant tout retour d’ascenseur et prêt à courir un risque, et son acte moral absolu, Lorenzo symbolise l’antidote à ce que Primo Levi nomme la « zone grise » selon Carlo Greppi. Ce terme, omniprésent dans l’œuvre de Primo Levi, renvoie à la sphère où le mal contamine les bourreaux et les victimes.
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