Les individus définis comme « transfuges de classe » sont couramment présents dans notre société. L’annonce faite par l’édition de Paris Match du 12 mars révélant la liaison entre l’écrivain Nicolas Mathieu, lauréat du Prix Goncourt 2018 et connu pour sa représentation des classes prolétaires, et la princesse de Monaco, Charlotte Casiraghi, a déclenché diverses réactions, quelques fervents admirateurs ayant accusé l’écrivain de trahison.
Laélia Véron, maître de conférences en stylistique et langue française à l’université d’Orléans et également diplômée de lettres modernes, en collaboration avec Karine Abiven, maître de conférences en analyse du discours à la Sorbonne, ont publié un livre intitulé Trahir et venger (La Découverte, 232 pages, 19,50 euros) qui sera disponible le 4 avril. L’ouvrage aborde les histoires des transfuges de classe. Les deux écrivaines se penchent sur les récits qui racontent l’évolution sociale de ces individus, en mettant en lumière l’écart entre le succès médiatique et éditorial de cette catégorie et le fait que peu d’écrivains la représentent.
Comment peut-on définir un « transfuge de classe » ? A l’origine, il s’agit d’un concept sociologique qui illustre un mouvement d’ascension sociale, le passage d’une classe à une autre. Cette terminologie est entrée dans le langage quotidien depuis dix ans et est devenue une identification pour ceux qui voudraient raconter leur propre histoire, particulièrement pour valoriser leur milieu d’origine, dans un récit écrit à la première personne.
L’indice le plus couramment utilisé est la profession des parents, dont la situation représente la précédente génération. Cependant, cette approche reste controversée en sociologie. Peut-on prendre en considération les grands-parents ? Devrions-nous inclure d’autres ressources autres que la profession – comme le patrimoine et l’héritage ? Devrait-on se baser sur le capital économique ou culturel ? En ce qui concerne les histoires les plus répandues, elles mettent en scène une ascension vers les rangs intellectuels.
Quels sont les principaux représentants de ce phénomène de nos jours ?
Parmi eux, Annie Ernaux est le porte-drapeau. D’autres exemple incluent Didier Eribon, Edouard Louis, Rose-Marie Lagrave et Nicolas Mathieu. Cependant, il faut noter que leurs parcours varient fortement. Par exemple, Edouard Louis est issu d’un milieu extrêmement déshérité. Par contraste, Annie Ernaux a grandi dans un milieu commerçant, qui pourrait être perçu par certains comme ayant déjà bénéficié d’une mobilité sociale. De son côté, Nicolas Mathieu a affirmé avoir été élevé dans une famille de classe moyenne sans réelles difficultés financières. De plus, son œuvre « Leurs enfants après eux » n’est pas autobiographique, mais un roman de fiction. Qualifié de « transfuge de classe » par certaines publications, il a une relation ambivalente avec cette description, la rejetant et l’assumant dans le même temps.
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