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1 avril 2024 5 h 08 min

« Monde occidental attaqué pour déclin »

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Claudia Senik, une éminente professeure d’économie affiliée à la Sorbonne Université et à l’Ecole d’économie de Paris, est également à la tête de la Fondation pour les sciences sociales et dirige l’Observatoire du bien-être. Son champ d’expertise réside principalement dans l’étude de l’économie du bonheur. Cependant, elle a récemment piloté la publication d’un ouvrage collectif intitulé « Un monde en guerre », édité par La Découverte et la Fondation pour les sciences sociales (240 pages, disponible à 25 euros). L’ouvrage s’articule autour de douze contributions académiques qui font le point sur la notion de guerre, le conflit en Ukraine, la chronologie des guerres depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, ainsi que le rôle de l’historien militaire. Ce livre rassemble les travaux des chercheurs méritants qui ont remporté l’appel à projets lancé en 2022 par la fondation.

Dans le contexte actuel marqué par des guerres et un terrorisme à grande échelle, la question se pose de savoir pourquoi le monde semble plus violent et conflictuel qu’auparavant. Il ne faut néanmoins pas tomber dans le piège de l’illusion qui fait croire que les problèmes contemporains surpassent ceux de l’époque passée. L’auteur Laurent Vissière, par exemple, insiste sur le fait que les guerres étaient omniprésentes pendant le Moyen Age dans son chapitre de l’ouvrage. D’autres auteurs, comme Steven Pinker dans « La Part d’ange en nous » (Les Arènes, 2017), ont cherché à quantifier la violence et la conflictualité mondiale et ont noté une tendance à la baisse au fil des siècles. Bien que les vies humaines soient de nos jours souvent soumises à une équation risque-récompense avec les intérêts nationaux, Ariel Colonomos dans « Un prix à la vie » (PUF, 2020), note que la valeur accordée à la vie a augmenté par rapport au passé. Toutefois, les guerres modernes font appel à des armes de plus en plus destructrices et la menace des armes nucléaires a le potentiel d’anéantir complètement l’humanité.

Pourquoi semble-t-il impossible d’atteindre un monde sans conflit, comme vous l’avez mentionné, alors que certains ont récemment suggéré la possibilité d’une fin à la guerre? C’est une période post-optimisme exceptionnelle où l’Occident a cru en la possibilité de l’extension de la paix, de la prospérité et de la démocratie. Au cours de la chute du mur de Berlin en 1989, certains ont mentionné « la fin de l’Histoire ». L’achèvement de la guerre froide entre les deux superpuissances semblait suggérer que le risque d’une guerre active était éliminé. L’avènement des libertés politiques et économiques devait, petit à petit, instaurer la paix.

La foi dans l’influence pacifique du commerce comme un facteur d’interdépendance entre les nations, le « commerce doux » de Montesquieu, est aujourd’hui contestée. L’époque contemporaine démontre que la logique économique ne peut contrer l’ambition du pouvoir politique. La nature humaine est bel et bien conflictuelle, et un monde sans guerre nécessite une loi supranationale équipée des moyens pour imposer sa juridiction aux États. L’ONU est encore loin de pouvoir jouer ce rôle.
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