Dans le cadre de la fièvre olympique, on se souvient encore de la palpitante histoire de la boxe antique, « A poings fermés » (PUF, 2022), racontée par Jean-Manuel Roubineau. Il nous présente aujourd’hui une nouvelle critique passionnante sur la conception du « sport », son évolution et son éloge, tout en soulignant qu’il n’existe pas de critères universels ou constants pour sa définition.
L’historien met en évidence que même si la compétition entre athlètes et les souvenirs des gagnants de championnats – immortalisés par des poèmes ou des statues – montrent l’importance de la performance physique dans l’Antiquité, le sport tel que nous le connaissons aujourd’hui n’existait pas à cette époque. La raison est simple : le côté amusant associé à la compétition, un élément incontournable du sport contemporain, était absent.
En Grèce antique, autour du sixième siècle avant J.-C., un tournant a lieu lorsque le principe de la répartition du pouvoir conduit à l’élaboration de règles et de normes qui caractérisent le citoyen. L’athlète subit alors une transformation et devient une figure héroïque. Plus tard, au début de l’ère industrielle et dans le contexte anglo-saxon, le sport comme nous le connaissons aujourd’hui se met en place, lorsque la compétition, la productivité et la performance sont élevées au rang de valeurs essentielles, et que la notion de record devient une nécessité pour dépasser les limites. Entre ces deux points de repère, la priorité accordée par la culture judéo-chrétienne à l’esprit sur le corps a donné lieu à une moindre importance de la confrontation physique, longtemps considérée comme inférieure au débat intellectuel.
Jean-Manuel Roubineau est en mesure de se pencher sur les spécificités des pratiques antiques suite à la clarification de certains points qui a permis d’éliminer le risque d’anachronisme ou de confusion. En particulier, il explore l’enthousiasme pour la compétition, qui sert à corroborer l’excellence et qui est également pertinent dans les jeux de l’esprit, où elle sert à distinguer entre les dramaturges. Les enjeux politiques sont exprimés de manière explicite lors de ces confrontations, où un temps d’armistice peut se produire, favorisant des discussions sans conflit, tandis que les institutions stipulent les règles et les codes pour les presentations « sportives ».
Un modèle physique
Roubineau invite à considérer aussi l’aspect préliminaire de la compétition: l’importance de l’entraînement physique adapté à l’âge de l’enfant, les disciplines choisies, les formes d’entraînement et le rôle de ceux qui y veillent, ainsi que les exigences relatives à la diététique, l’abstinence sexuelle et les soins corporels. Tout cela contribue à un idéal de condition physique, mais aussi à un perfectionnement technique et stratégique, illustré par un modèle physique qui est accentué par la nudité dans le cadre exclusif du sport. Cela place le citoyen-athlète au-dessus de l’homme ordinaire.
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