Sur une plage à proximité du Croisic (Loire-Atlantique), sous un ciel qui donne l’impression d’être un énorme buvard gris-bleu, Valérie et Jean-Marie Pédron, vêtus de bottes, marchent à pas énergiques. En montant les rochers de granit brillants qui font obstacle aux vagues vertes de la mer, ils ne ralentissent que légèrement. Jean-Marie Pédron observe un essaim noir de bernaches en disant: « Elles aussi, elles sont à la recherche d’algues ! Elles sont similaires à nous, elles ne choisissent pas n’importe quoi : elles grignotent du nori, ces rubans sombres très appréciés dans la gastronomie japonaise, des superaliments composés à 40% de protéines. »
Valérie et Jean-Marie Pédron exercent une profession peu commune : ils sont récolteurs d’algues. Ils comptent parmi les rares experts en France, probablement les plus passionnés. Plus de 250 jours par an, quels que soient les conditions climatiques, ils parcourent la côte atlantique, équipés de seaux et de couteaux (la côte méditerranéenne, aux eaux plus tempérées, possède une moindre diversité d’espèces). Les végétaux qu’ils ramassent – des algues, ainsi que des végétations maritimes qui ont des racines – sont tous destinés à être consommés. Certains sont transformés dans leur ferme marine, « Les Jardins de la mer », qui est située derrière l’Océarium du Croisic. Cependant, une grande majorité des algues sont commercialisées alors qu’elles sont encore fraîches.
Valérie Pédron met l’accent sur le fait que leurs produits ne subissent pas le processus habituel de passage par des chambres froides et de mise en saumure. En conséquence, leurs fibres ne sont pas affaiblies par le sel de la saumure. Ils sont donc capables de commercialiser des produits qui préservent leur saveur et leur haute valeur nutritionnelle, avec une richesse en vitamines et minéraux.
Au fil du temps, ces qualités distinctives, telles que la saveur, la couleur et la texture, ont suscité l’intérêt des chefs, qui sont désormais leurs principaux clients. Anne-Sophie Pic les intègre dans ses menus au restaurant Pic à Valence, en utilisant leurs produits pour aromatiser un bouillon. De même, Amaury Bouhours au Meurice à Paris concocte un tartare d’algues avec les plantes les plus tendres (laitue de mer, dulse), qu’il saupoudre de moutarde et fait fondre sur des selles d’agneau.
Bouhours explique que les algues apportent une saveur salée naturelle, et qu’elles créent une combinaison inattendue de saveurs terre et mer. Idéalement, il suggère que le plat soit préparé avec des agneaux de prés salés, élevés dans des pâturages marins, pour compléter la saveur naturelle des algues.
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