La légendaire cargaison d’or, d’argent et de gemmes précieuses du San-José, un galion espagnol englouti dans les profondeurs de la mer des Caraïbes, a longtemps attisé l’imagination des chasseurs de trésor. Le naufrage, provoqué par les Anglais en 1708, n’a officiellement été découvert qu’en 2015, au large de Carthagène des Indes, dans le nord de la Colombie. Le président de l’époque, Juan Manuel Santos, avait décrit cette découverte comme « l’une des plus grandes trouvailles de patrimoine submergé de l’histoire, voire la plus grande ».
La Colombie est convaincue de ses droits sur l’épave qui s’est reposée pendant trois siècles par 600 mètres de profondeur dans ses eaux territoriales. Les efforts pour récupérer les biens engloutis dans les soutes du San-José débuteront en avril. Les autorités colombiennes ont investi dans un robot suédois pour faire face au défi de « l’extraction » des premières reliques. L’opération, dirigée par une équipe interdisciplinaire incluant des fonctionnaires, des militaires et des experts, est sensée être une mission scientifique. Néanmoins, elle suscite de la peur, de l’avidité et des litiges.
Depuis 2015, l’Espagne revendique la propriété de l’ancien « navire de guerre » en se basant sur une convention Unesco de 2001 sur le patrimoine immergé. Les indigènes Qhara Qhara de Bolivie réaffirment que les richesses qui se trouvaient sur le San-José à l’époque coloniale ont été volées de leur territoire. L’entreprise américaine Sea Search Armada, qui prétend avoir trouvé l’épave du navire au début des années 1980, réclame 10 milliards de dollars (9,2 milliards d’euros) – soit la moitié de ce qu’elle estime être la valeur actuelle du San-José. Les archéologues, quant à eux, veulent que l’épave et ses trésors restent au fond de la mer.
Le 19 mars, à Bogota, le comité d’accusation de la Chambre des représentants a annoncé l’ouverture d’une enquête sur Juan Manuel Santos, suite à une plainte pour « atteinte à un site archéologique » et vol d’objets de l’épave. En 2017, M. Santos avait annoncé un partenariat public-privé (PPP) avec l’entreprise suisse Maritime Archaeology Consultants (MAC) pour récupérer l’épave et vendre une partie de son contenu. Ce PPP a rencontré des controverses dès son lancement et a rapidement échoué. En raison de la pression des scientifiques, la politique a évolué : en 2020, l’épave du San-José et son contenu ont été classés comme « bien culturel », empêchant ainsi toute monétisation.
« L’expression « trésor » est désormais supprimée du langage officiel. L’amiral colombien Hermann Leon a déclaré que « le San-José est un héritage national indissoluble, non aliénable et insaisissable ». Pour la science et l’archéologie, le San-José a une importance incommensurable. Cependant, il ne possède pas de valeur marchande, ajoute Alhena Caicedo, qui dirige l’Institut colombien d’anthropologie et d’histoire (Icanh). Notre but n’est pas de récupérer des barres d’or, mais de poursuivre un travail archéologique sérieux.
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