Depuis trois décennies, Adel Abdessemed ébranle le monde de l’art contemporain, véritablement incarnant la célèbre citation de Picasso : « Pourquoi faire quelque chose si on sait exactement comment ça va se passer? ». Abdessemed continue de surprendre avec ses œuvres puissantes et inattendues. Lors de sa plus récente grande exposition à la Galleria Continua, à Paris, en 2022, il a dévoilé une frappante vidéo d’un bateau en flammes. Avec un message politique et une mise en scène dramatique, cela ressemblait à un hommage aux migrants perdus en Méditerranée, rappelant fortement son attachement aux persécutés, comme illustré dans Guernica.
Deux ans après, un changement radical se profile. Du 11 au 18 avril, l’artiste français se transformera en metteur en scène de l’opéra Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen, au Grand Théâtre de Genève. Il a conçu tout – costumes, décors, vidéos, sauf la direction musicale qui sera pilotée par le Britannique Jonathan Nott. Lorsqu’il a été approché par le Grand Théâtre pour ce projet en 2017, Adel Abdessemed a été envahi par l’anxiété, passant de nombreuses nuits sans sommeil : « Moi, un metteur en scène? Je ne m’y connais pas en éclairage ni en coulisses de l’opéra. » Cependant, en voyant les expériences de Matisse, Cocteau ou Picasso dans les domaines du théâtre et du chant lyrique, et que l’opéra de Messiaen était segmenté en tableaux plutôt qu’en actes, il a finalement succombé à la tentation.
En quête d’inspiration, Adel Abdessemed s’est précipité au Louvre pour revoir Saint François d’Assise recevant les stigmates, un tableau de Giotto qui fascinait également Olivier Messiaen. Adel voyait en lui un « frère lointain », partageant son affection pour les démunis et la nature. Mais Michel-Ange reste également une source d’inspiration pour son désir de créer une œuvre totale, bien que dans son cas, il s’agisse de musique et de poésie.
Né en Algérie, Adel Abdesemed a passé du temps en France, au Royaume-Uni avant de se réinstaller en France. Il vient de fêter son 53e anniversaire et a déjà une carrière exceptionnelle. Il a exposé mondialement et a même reçu une rétrospective au Centre Pompidou alors qu’il n’avait même pas 40 ans. Son nom est reconnu dans le monde de l’art, associé à la fois au succès et aux controverses, à l’instar de Jeff Koons ou Damien Hirst. Toutefois, sa notoriété est plus sombre, ses œuvres frappant aux entrailles.
Une décennie passée, il présentait des créations de Christ façonnées à partir de fils de fer barbelés, aiguisés comme des lames de rasoir. Sa méthode de création se rapproche davantage d’un cri, souvent incompréhensible pour certains. En 2018, sa vidéo intitulée « Printemps », une œuvre inspirée des révolutions arabes et réalisée quelques années auparavant, a été exposée au Musée d’art contemporain (MAC) de Lyon. Suite à cela, il a reçu quatre cent mille tweets d’insultes, dont certaines étaient des menaces de mort. La raison de cette réaction virulente était un film qu’il avait réalisé, où l’on voyait des poules pendues par les pieds et grillées vivantes, présentées comme une allégorie de toutes les violences, selon le musée. Bien que aucun volatil n’ait été blessé, cet acte a enragé les défenseurs des animaux. Malgré les tentatives pour calmer la tempête médiatique, le MAC de Lyon a finalement décidé de retirer l’œuvre. Le reste de cet article est réservé aux abonnés.
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