C’est confirmé : après une attente de treize ans, la Bulgarie et la Roumanie ont intégré officiellement l’espace Schengen à minuit, heure locale (23h à Paris), une zone européenne consacrée à la libre circulation. Cependant, les frontières terrestres ne sont pas incluses. Les vérifications routières continuent d’être effectuées, en raison du veto de l’Autriche, le seul pays résistant dans l’Union européenne (UE) par crainte d’une augmentation des demandeurs d’asile. Malgré cet adhésion partielle, restreinte seulement aux aéroports et aux ports maritimes, cet évènement possède une forte signification symbolique. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé dans un communiqué que ce fut « un immense succès pour les deux pays ». Elle a affirmé que ce moment est « historique pour l’espace Schengen, le plus grand espace de libre circulation du globe. Ensemble, nous œuvrons à la construction d’une Europe unifiée et plus solide pour tous nos citoyens ». Alina Gorghiu, ministre roumaine de la justice, est convaincue que cette normalisation attirera des investisseurs et favorisera la prospérité du pays. Elle a déclaré lors d’une conférence que « l’attrait de la Roumanie s’accroît et à long terme, cela va favoriser l’augmentation du tourisme ». Il y a maintenant « vingt-neuf membres ».
Toute la semaine, les équipes à l’aéroport de Bucarest, où la plupart des vols desservent l’espace Schengen, ont travaillé sans relâche pour préparer ce changement significatif. Le gouvernement promet de renforcer les équipes pour effectuer des vérifications inattendues, surtout si elles concernent les mineurs, afin de les protéger des réseaux d’exploitation humaine. Les personnels déployés auront aussi pour mission d’orienter les voyageurs et de repérer ceux qui tenteraient de quitter illégalement la Roumanie.
Pour espérer surmonter les résistances de Vienne, il est essentiel de démontrer une bonne volonté. L’objectif est d’être des membres à part entière de l’espace Schengen, où plus de 400 millions de personnes ont la possibilité de se déplacer librement, sans contrôles constants aux frontières intérieures.
Bien que la Croatie soit entrée dans l’UE après la Roumanie (19 millions d’habitants) et la Bulgarie (6,5 millions), qui sont membres depuis 2007, elle leur a ravi la vedette en janvier 2023. Cette entrée double portera le nombre de membres dans cette zone, créée en 1985, à 29, constitué de 25 des 27 États de l’Union européenne ainsi que de la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande, qui sont leurs voisins associés.
Cependant, ce « processus irréversible » ne fait pas l’unanimité, en particulier parmi les transporteurs routiers qui sont furieux d’être exclus. Ils se plaignent d’une attente qui varie « de 8 à 16 heures » à la frontière avec la Hongrie, « de 20 à 30 heures avec la Bulgarie, avec des pics jusqu’à trois jours » dans les deux cas, comme l’a déploré l’un des principaux syndicats roumains du secteur dans un communiqué dénonçant d’énormes « pertes financières ». « Nous avons attendu treize ans, nous sommes à bout de patience », déclare Radu Dinescu, le secrétaire général.
La frustration est également ressentie par les chefs d’entreprise bulgares. Vassil Velev, le président de l’association BICA (Bulgarian Industrial Capital Association), a fait remarquer dans un entretien avec l’Agence France-Presse que seulement 3% des produits bulgares sont transportés par voie aérienne et maritime, les 97% restants étant acheminés par voie terrestre. « Nous ne faisons réellement partie de l’espace Schengen qu’à 3% et nous ne savons pas quand nous aurons le droit d’en faire pleinement partie, » regrette-t-il.
Il espère des progrès d’ici la fin de l’année, mais craint d’être victime des élections législatives qui devraient avoir lieu en Autriche en septembre, alors que le chancelier conservateur Karl Nehammer doit faire face à la montée de l’extrême droite dans les sondages.
Cependant, Sofia ainsi que Bucarest ont affirmé qu’il n’y aura pas de marche arrière. « Il est évident que ce processus est inévitable, » a déclaré Catalin Predoiu, le ministre de l’intérieur roumain, en début mars, en appelant à sa conclusion en 2024.
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