Sur la partie maternelle de ma généalogie, je suis d’origine juive, et du côté paternel, ma lignée est arménienne. Toutefois, nous avons très peu de liens avec l’Arménie, étant donné que mon grand-père est né en France de parents arméniens apatrides qui ont préféré parler exclusivement français à leurs enfants. Les seules traditions arméniennes qui ont perduré sont quelques recettes de cuisine, tels que le baklava composé de feuilles de filo, de beurre clarifié, de noix et de sirop de sucre. Chez moi, c’est ma mère qui s’occupait des tâches quotidiennes et préparait des plats simples tels que des soupes, des endives au jambon et du riz au curry. Sa cuisine était variée, parfois étrange. Par exemple, elle ajoutait du gingembre à sa quiche lorraine, ce qui nous choquait, mes sœurs et moi.
Mon éducation a été très libérale. J’ai pratiqué de l’athlétisme, j’ai joué de la musique, j’ai essayé une multitude d’activités. Pendant mon adolescence, je me suis intéressée au rock, j’ai appris à jouer de la batterie et j’ai formé un groupe appelé les Plasticines avec mes amies du lycée. Nous vivions à l’ère des BB Rockers, c’était une période animée. J’ai abandonné mes études car j’étais convaincue que j’allais devenir une rockstar ! Ensuite, nous avons signé un contrat de disque et j’ai été expulsée du groupe.
J’ai repris mes études en médiation culturelle et j’ai effectué un stage à Cuisine TV qui m’a fait rêver avec leurs voyages de presse. Mon expérience dans le domaine radiophonique a commencé lorsque j’ai travaillé pour « Le Fou du roi » de Stéphane Bern sur France Inter. Après avoir passé six mois à Bucarest, la capitale de la Roumanie, où j’ai consommé énormément de soupe aux boulettes, j’ai lancé un blog de cuisine intitulé « Les durs à cuire ». J’ai commencé à m’intéresser au journalisme gonzo, une technique très subjective.
La cuisine est un excellent moyen de briser la glace.
Mon article inaugural était un compte-rendu de repas pour Le Monde Académie, organisé par Le Monde. Cela m’a apporté une grande fierté. Dans mon podcast « Casseroles », j’ai mis en pratique ce concept de partager un repas avec des individus pour en savoir plus sur eux. Progressivement, j’ai été attirée par l’idée de réaliser un podcast plus long au sujet de la famille.
Mon grand-père maternel, qui était un « enfant de l’ombre » pendant la guerre, était sur le point de mourir et souhaitait être enregistré. Malheureusement, il est décédé avant que nous puissions discuter de ses huit ans. Cependant, il a eu le temps de me parler de sa grand-mère, Jeanne, qui a été déportée. Une parente lointaine, Racheli, m’a introduit au livre de cuisine de Jeanne, ce qui a motivé mon voyage sur « Les traces de Jeanne ». Le fruit de ces efforts est un podcast en cinq épisodes et maintenant un livre illustré.
Jeanne n’a pas seulement été une victime de Sobibor à 58 ans, elle a vécu avant cela. Elle a aimé, eu des enfants, cuisiné. Son livre de cuisine manuscrit regorge de recettes françaises bourgeoises, ponctuées ici et là par une carpe farcie ou des boulettes de matzo. Son gâteau au chocolat moelleux simple est parmi mes recettes préférées.
J’ai approché ses enfant et petits-enfants et ai eu l’opportunité de les cuisiner en cuisinant avec eux. Certains étaient réservés et ne pensaient pas avoir quelque chose à dire, comme Lionel et Catherine, une de ses petites-filles, avec qui j’ai fait le fameux gâteau. Cependant, la cuisine a une façon d’amener les gens à parler, c’est lors de la préparation de plat que chacun a pu me raconter Jeanne.
« En quête de Jeanne, écrit par Zazie Tavitian et Caroline Péron, est publié par Calmann-Lévy en 2022. Il comprend 192 pages et est proposé au prix de 23 €. Contribuer en réutilisant ce contenu. »
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