Nous avons été stupéfaits par les nombreuses accusations et plaintes déposées contre Gérard Miller, le psychanalyste. Nous sommes des psychologues cliniciens et des psychanalystes expérimentés travaillant depuis deux décennies en centre médico-psychopédagogique et en cabinet privé. Nous éprouvons le besoin de nous exprimer, car le silence des psychanalystes face à cette situation est troublant et induce un malaise profond, tout comme pour notre collègue Clotilde Leguil, dans une interview accordée au Monde le 17 février. Nous devons distinguer la pratique analytique du pouvoir abusif.
Bien entendu, ce n’est pas à nous de prendre la place de la justice, qui doit accomplir son devoir. Nous croyons cependant que nous avons une responsabilité devant les répercussions de ces plaintes, dont l’impact sociétal important est lié au mouvement #metoo, et questionne l’éthique de l’analyse.
Plusieurs femmes, parfois mineures au moment des incidents rapportés, signalent que le populaire et très médiatisé psychanalyste utilisait l’hypnose pour les soumettre dans son domicile qui servait également de cabinet. Les plaignantes déclarent avoir été victimes d’agressions sexuelles et de viols dans ce cadre. Cet amalgame de rôles crée une confusion.
Gérard Miller était l’invité sur le plateau de l’émission « C ce soir » le 10 janvier pour une discussion centrée sur « Violences sexuelles : le tournant Depardieu ? ». Tout ceci s’est déroulé environ un mois avant que les accusations ne deviennent publiques par l’ouverture d’une enquête préliminaire le 23 février. Pendant l’émission, il a souligné, dans le contexte de la révolution #metoo, un « aveuglement collectif » en ce qui concerne les relations de domination entre un homme de pouvoir et une jeune femme. Le conflit et la perte de crédibilité créés par le décalage entre sa prise de parole publique et les accusations portées contre lui ne touchent pas seulement ceux directement impliqués, mais aussi toutes nos pratiques, qui sont perturbées par la confusion des rôles.
Miller a depuis démissionné des institutions psychanalytiques auxquelles il était affilié, ce qui indique une situation insoutenable qui nous pousse à considérer l’éthique analytique. Notre profession et nos méthodes de travail nous obligent à nous confronter à cela, afin de répondre à la responsabilité qui nous incombe.
La première condition de l’éthique analytique est de prendre conscience que nous, en tant qu’analystes et cliniciens, sommes profondément liés à la société et en portons les marques. Notre parcours personnel et professionnel est marqué par les croyances, les valeurs et les préjugés qui existent dans notre société. Reconnaître cette affiliation est absolument crucial, car il constitue le point de départ d’une réflexion sur les impacts de ces influences sur notre travail.
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