Un changement de cap spectaculaire a lieu au Togo : le chef d’État, Faure Gnassingbé, a prescrit vendredi 29 mars qu’il y ait un nouveau scrutin parlementaire sur la constitution nouvellement adoptée, destinée à établir un système parlementaire plutôt que présidentiel. Cette demande survient dans une ambiance de pression politique en hausse.
Le lundi 25 mars, l’Union pour la République (UNIR), au pouvoir, dirigeant l’Assemblée Nationale, avait approuvé le texte révisé. Cette réforme constitutionnelle est fortement réprimée par l’opposition, qui l’interprète comme une ruse du chef de l’état pour se maintenir en poste.
« Tout peut être amélioré, et compte tenu de l’attention suscitée par la population après la validation de cette loi, le président de la République a demandé aujourd’hui que le texte de la loi soit à nouveau examiné », a annoncé Yawa Kouigan, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, sur la chaîne nationale de télévision vendredi soir.
Depuis la mise en place de la nouvelle Constitution, l’opposition s’est vigoureusement opposée au régime, par crainte que ce changement puisse permettre au chef de l’état Faure Gnassingbé de rester au pouvoir. Les élections législatives et régionales sont censées se tenir dans trois semaines, le 20 avril.
Selon la nouvelle Constitution, il est de la responsabilité du Parlement togolais de choisir le président de la République, qui est dépossédé de tout pouvoir, « sans débat » et « pour un seul mandat de six ans ».
Dans la rédaction récente, le pouvoir sera détenu par un « président du conseil des ministres », une figure similaire à celle du premier ministre, choisi par les députés et responsable des affaires de l’Etat. Sa durée en poste serait de six ans, bien qu’il ne soit pas stipulé si ce mandat peut être renouvelé. Ce détail suscite des préoccupations chez l’opposition qui craint que Faure Gnassingbé ne soit nommé à ce poste, assurant ainsi sa position au pouvoir pour une période indéfinie.
Une « abus de pouvoir » dénoncé lors d’un appel citoyen
La Conférence des évêques du Togo s’est questionnée mardi dernier sur la nécessité et le timing de cette réforme, exhortant le président à suspendre la promulgation de la nouvelle Constitution et à entamer un dialogue politique inclusif après les élections législatives et régionales à venir.
Plusieurs partis de l’opposition et des groupes de la société civile ont organisé des conférences de presse mercredi, l’une d’entre elles a été interrompue par la police, affirmant que les organisateurs n’avaient pas obtenu les autorisations préalables nécessaires.
Vendredi, environ une centaine d’universitaires, d’intellectuels, d’artistes, de personnalités politiques et d’acteurs de la société civile ont signé un « appel citoyen » appelant les Togolais à « se mobiliser » pour « rejeter cet abus de pouvoir » et demandant au président Gnassingbé « de mettre fin au processus en cours pour le bien de notre pays ».
D’après des sources de l’Agence France-Presse à Washington, le gouvernement américain a vivement demandé au chef de l’Etat togolais de régler la situation actuelle de manière pacifique et démocratique.
Faure Gnassingbé a accédé au pouvoir au Togo en 2005, succédant à son père qui avait régné sur le pays avec une poigne de fer pendant près de quatre décennies. Depuis l’instauration de la démocratie en 1990, les élections présidentielles au Togo ont constamment été remises en question par l’opposition, notamment à cause des violentes manifestations qui ont éclaté lors de l’élection de 2005. Réélu en 2010, 2015 et 2020, les élections de Faure Gnassingbé ont toujours été contestées par ses opposants.
En 2019, les lois constitutionnelles ont été révisées pour limiter à deux le nombre de mandats présidentiels. Cependant, cette restriction a été effectuée en remettant à zéro le compteur des mandats de Gnassingbé, lui permettant de se présenter à nouveau en 2020. Cette manoeuvre lui a également permis de postuler pour un dernier mandat de cinq ans en 2025.
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