N’oubliez pas d’ajuster vos montres et alarmes. La France se prépare à passer à l’heure d’été dans la nuit du 30 mars à 31 mars : quand il sera 2 heures du matin, il faudra régler l’heure à 3 heures. Ce changement d’heure a suscité de nombreuses controverses et la Commission européenne a exprimé son désir de l’abolir.
Cette pratique a été instaurée en 1916 pour la première fois, mais a ensuite été abandonnée en 1944. Elle est revenue par décret en septembre 1975, dans le contexte de la crise pétrolière. Le but était de réduire la consommation d’énergie. Malgré l’appel incessant à la sobriété énergétique, le bien-fondé du passage à l’heure d’été est toujours questionné.
1. Une convention non-universelle et difficile à comprendre
Au niveau européen, le passage à l’heure d’été a été progressivement adopté dans les années 1980 et harmonisé en 2002. En 2018, la Commission européenne a proposé de mettre fin à cette pratique dès l’année suivante. Cependant, en mars 2019, le Parlement européen a voté pour repousser ce délai à 2021 et devait conclure un accord avec le Conseil des chefs d’État et de gouvernement sur cette réforme. Depuis, la question est restée en suspens entre le Brexit et la pandémie de Covid-19. Un des défis est de persuader les pays d’harmoniser leurs heures légales (été ou hiver) pour éviter de se retrouver avec un assemblage de fuseaux horaires.
En France, une consultation en ligne menée par l’Assemblée nationale début 2019 a reçu plus de deux millions de réponses. Une majorité écrasante (83,74%) était en faveur de la fin du changement d’heure. Plus de 60% des participants ont affirmé avoir vécu une « expérience négative ou très négative » lors du changement.
Une singularité du système en vigueur est qu’il n’inclut pas les régions d’outre-mer, qui ne modifient jamais leur heure (Sauf Saint-Pierre-et-Miquelon, qui suit le Canada). En réalité, la majorité de ces territoires se situent à des latitudes où les différences d’ensoleillement sont minimes tout au long de l’année, contrairement à l’Europe.
Sur une échelle mondiale, plusieurs nations telles que l’Argentine, la Tunisie, l’Egypte, la Turquie, la Russie et l’Arménie, ont opté pour l’arrêt du changement horaire saisonnier.
2. Des économies d’énergie incertaines
L’argument principal soutenant le changement horaire a toujours été les économies d’énergie qu’il était censé apporter en profitant des journées plus longues en été et en suivant le cycle solaire en hiver. Cependant, plusieurs recherches sur la question ont rapporté des économies d’énergie et de CO2 « limités », d’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Donc, une enquête de l’Ademe réalisée en 2010 a déterminé que le passage à l’heure d’été entraîne :
– une consommation d’électricité accrue le matin, avec un pic à 6 heures (correspondant à 5 heures en heure d’hiver) ;
– une consommation beaucoup moins importante le soir, surtout entre 20 heures et 21 heures (correspondant à la période entre 19 heures et 20 heures en hiver).
En d’autres termes, les ménages paient, en moyenne, un peu plus en électricité le matin, mais finissent par économiser le soir. Pour donner une idée, une heure de moins d’éclairage permet d’économiser environ 10 centimes.
En analysant l’année 2009, l’étude rapporte une réduction moyenne de la demande en électricité de 3,5 gigawatts (GW) à 19 heures. Cette diminution a permis une économie d’énergie de 440 gigawattheures (GWh) sur l’ensemble de l’année, l’essentiel provenant de l’éclairage public (représenté en rose sur le graphique fourni). Cela équivaut à un an d’éclairage pour une ville de la taille de Marseille, qui compte 800 000 résidents.
Néanmoins, cette tendance à l’économie d’énergie s’est affaiblie avec l’amélioration des systèmes d’éclairage, tels que les ampoules basse consommation et les LED. En 2018, l’économie d’électricité n’était plus que de 351 gigawattheures. L’Ademe estime que les économies d’énergie liées à l’éclairage atteindront 258 gigawattheures d’ici 2030.
Il faut noter que la consommation énergétique des ménages dépend principalement du chauffage et non de l’éclairage, ce qui remet en question l’impact réel des économies d’énergie. Selon une étude britannique, l’abolition du changement d’heure en octobre permettrait d’économiser 400 livres sterling (460 euros) par ménage et par an, en allongeant la durée de lumière naturelle en soirée et en réduisant la demande d’énergie aux heures de pointe.
En terme d’accidents de la route, l’Association contre l’heure d’été double (Ached) s’oppose au changement d’heure en citant « une augmentation des accidents de la circulation » comme l’une des raisons. Ses arguments se basent sur des données de 1976, année de réintroduction de l’heure d’été, indiquant une augmentation de 661 morts sur la route entre avril et octobre par rapport à 1975.
Dans un document de 2014, l’organe européen a examiné plusieurs études sur la question, notant des « conclusions fréquemment divergentes ». Selon certains documents, la modification engendre une meilleure sécurité routière grâce à une visibilité optimale à certains moments de l’année et du jour, comme une analyse écossaise de 2010 l’indique. Par contre, d’autres argumentent que le changement pourrait entraîner une hausse des accidents de la circulation à cause des troubles du sommeil.
En 2023, la Sécurité routière a jugé nécessaire d’insister sur l’importance d’être visible dans l’espace public avec des « équipements réfléchissants (gilet, brassard, gants, bandes sur le sac à dos, le cartable etc.) » juste avant l’ajustement de l’heure. Les données collectées entre 2015 et 2019 par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière montrent en effet une augmentation régulière de 42% des accidents impliquant un piéton en novembre par rapport à octobre.
4. Des répercussions sur la santé?
Une recherche suédoise en 2008 révélée dans le New England Journal of Medicine, s’appuyant sur les chiffres nationaux de 1987 à 2006, signalait « une hausse significative du risque d’infarctus » dans la semaine suivant le changement d’heure, particulièrement à l’arrivée de l’heure d’été.
Une autre étude de 2015 par la Commission européenne stipule que « le changement de rythme biologique du corps peut impacter la santé, provoquant potentiellement des troubles du sommeil et de l’humeur. »
Il est difficile d’identifier les effets réels du changement d’heure sur la santé, tout comme la dépression hivernale n’est pas facilement liée à un manque de lumière. Ce ne sont que des hypothèses à ce stade. La Commission a déclaré que les données démontrant des effets globaux sur la santé (à savoir une analyse des impacts positifs et négatifs présumés) ne sont pas concluantes.
En 1997, le monde médical était, selon un rapport du Sénat, incertain quant à l’existence de désordres causés par le changement d’heure. Qu’il s’agisse d’une vérité ou d’une illusion, le risque pour la santé a été pris en compte par les éventuels patients : 19% des médecins ont signalé une augmentation de l’usage de médicaments, en particulier des tranquillisants, lors du changement d’heure.
En 2019, une étude américaine sur le « décalage horaire social » induit par le changement d’heure a examiné des communautés à différents endroits d’un fuseau horaire. Les résultats ont indiqué que gagner une heure de soleil le soir peut entraîner une réduction allant jusqu’à 19 minutes de sommeil.
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