Le président togolais, Faure Gnassingbé, a mis en attente la nouvelle constitution qui vise à transformer le système présidentiel en un régime parlementaire. Cela s’est passé le vendredi 29 mars à l’Assemblée nationale où il a demandé une deuxième lecture de la constitution. La porte-parole du gouvernement, Yawa Kouigan, a indiqué à la télévision de l’Etat que le président avait demandé à la présidente de l’Assemblée nationale de procéder à une nouvelle lecture du texte adopté, compte tenu de l’intérêt qu’il avait suscité au sein de la population.
On ne sait pas encore quelles modifications pourraient être faites lors de la deuxième lecture par les députés. Cependant, Gnassingbé, qui a pris la relève de son père en tant que chef de l’Etat il y a dix-neuf ans, est confronté à une opposition et une société civile sans cesse grandissantes. Ces groupes l’accusent de vouloir conserver le pouvoir indéfiniment.
La situation au Togo tranche avec celle du Sénégal, où la victoire massive de Bassirou Diomaye Faye a marqué un changement pacifique de pouvoir dans un pays considéré comme un des exemples en matière de démocratie en Afrique. La refonte en coulisses de la loi fondamentale au Togo a été largement critiquée. L’opposition a spécifiquement souligné que la loi, qui doit encore être ratifiée, enfreint l’article 59 de la Constitution, qui stipule que le mode d’élection du président de la République ne peut être modifié que par un référendum.
Le texte legislatif, proposé par dix-neuf députés affiliés au parti UNIR (Union pour la République), certains très liés à la présidence, introduit un système parlementaire. Son but est de renforcer la position du chef du gouvernement, diminuant le pouvoir du président de la République. Dorénavant, le rôle du président sera surtout cérémoniel, étant élu « sans débat » pour un mandat unique de six ans par le Congrès. Le véritable pouvoir sera concentré dans les mains d’un « président du conseil des ministres », sélectionné par l’Assemblée nationale sans nombre limite de mandats.
Cette position de « super premier ministre », chef des armées et responsable des affaires étrangères, déciderait des principales orientations du pays. C’est une position qui conviendrait bien à l’actuel président si son parti remporte les élections législatives et régionales prévues pour le 20 avril.
» Tout a été fait en secret, tandis que tout le monde dormait. Malgré que depuis mi-mars, nous savions qu’un projet de loi était en cours, nous n’avions jamais pensé que nous changerions carrément de système », déclare Isabelle Ameganvi, ex-députée et vice-présidente de l’Alliance nationale pour le changement, l’un des principaux partis de l’opposition.
« Le président veut se donner un nouveau mandat »
De plus, le mandat des députés a officiellement pris fin le 7 janvier. « Ils auraient dû se limiter à traiter des affaires courantes. Ce ne sont pas à 89 individus mal élus il y a cinq ans [un député s’est opposé, un autre s’est abstenu] de prendre des décisions pour 5 millions de votants togolais! Le véritable enjei du pays n’est pas son système politique, mais le fait que les autorités ne respectent pas la loi » conclut-elle.
La nouvelle Constitution est officiellement censée stimuler la gestion des affaires publiques, selon le site web de l’Assemblée nationale. Cependant, certaines personnes se demandent pourquoi un système parlementaire a été choisi au lieu de modifier le texte originel de 1992, qui a déjà subi des modifications en 2002, 2007 et 2019. Ces changements, selon certains critiques, ont été effectués pour permettre au leader actuel de briguer un autre mandat en réinitialisant le compteur.
L’économiste togolais Kako Nubukpo, ex-ministre du président Faure Gnassingbé et actuel commissaire à l’agriculture de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, estime que le régime actuel ne fait que camoufler les dynamiques politiques réelles. Il est convaincu que le président cherche à prolonger son mandat. Yawa Kouigan, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, n’a pas donné suite à cette affirmation lorsqu’elle a été contactée par Le Monde.
Depuis 1967, le Togo a eu seulement deux présidents : Gnassingbé Eyadéma, ancien militaire français qui a pris le pouvoir suite à un coup d’État et l’a gardé jusqu’à son décès en 2005, et son fils, Faure Gnassingbé, qui a été réélu sans difficulté en 2010, 2015 et 2020.
À 57 ans, Faure Gnassingbé, que ses confrères d’Afrique de l’Ouest surnomment « le jeune doyen », semble être l’un des leaders les plus solidement ancrés au pouvoir, en dépit des multiples coups d’État survenus dans la sous-région au cours des trois dernières années, notamment au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger.
Est-ce que le gouvernement togolais a tenté d’exploiter la méfiance que suscite le modèle démocratique actuel, qui a vu le jour en Afrique de l’Ouest à partir des années 1990, et dont les systèmes militaires sont désormais les principaux porte-paroles ? « Il est devenu courant de souligner les failles et la vulnérabilité de la démocratie représentative. Un des points clé que le parti UNIR a avancé pour justifier la nécessité de se tourner vers une gouvernance parlementaire, c’est que ce nouveau système pourrait offrir une garantie de stabilité et serait peut-être mieux adapté aux sociétés africaines. Ce qui n’est évidemment pas prouvé », a déclaré M. Nubukpo.
L’opposition, qui tente de mobiliser le public contre ce qu’elle perçoit comme un coup d’état constitutionnel, a peu d’options. La seconde lecture de ce texte, qui aura lieu dans les jours à venir, pourrait mener à des négociations. Cependant, ni l’opposition ni la société civile ne pensent que le président va se retirer. « Il n’est pas dans les coutumes de Faure Gnassingbé de faire marche arrière », pense Kako Nubukpo, son ancien ministre.
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