Christian Duc, un ancien employé de Michelin devenu expert judiciaire, est un sérieux mal de tête pour Goodyear. Duc est ingénieur en pneumatiques et a été appelé par la police judiciaire pour enquêter sur un accident qui s’est produit sur l’autoroute A13 le 25 avril 2016, où le dégonflement d’un pneu avant gauche Marathon LHS II (un produit de Goodyear) a entraîné la perte de contrôle d’un camion lourd, qui est tombé sur la chaussée et a traversé la barrière de sécurité, tuant son chauffeur. Comme c’était le cas pour de nombreux accidents similaires depuis la sortie des pneumatiques Marathon LHS II de l’usine Goodyear au Luxembourg au début des années 2010, Duc a attribué l’accident aux défaillances internes du pneu, et non à des causes externes. Trois ans après l’incident, le 3 avril 2019, il a présenté ses conclusions à la justice, où il a déclaré que Goodyear avait retiré des pneus du marché entre 2011 et 2016, laissant entendre que le pneu impliqué dans l’accident pourrait avoir les mêmes problèmes que ceux qui avaient été rappelés. Malgré cet autre rapport accusateur, les autorités françaises semblent toujours impassibles.
L’échelon supérieur de la firme multinationale n’est pas sans savoir que les Marathon LHS II et LHS II+ ont été concernés dans de nombreux accidents sur route. Un rapport confidentiel obtenu par Le Monde illustre bien la gravité de la situation. Bien qu’on ne puisse garantir son intégralité, il éclaire suffisamment l’ampleur des dommages. Selon un tableau Excel établi par Grégory Boucharlat, vice-président des ventes pour Goodyear Europe, le 19 octobre 2017, il révèle qu’en Espagne uniquement, 158 accidents ont été recensés, entraînant des dédommagements d’environ 3 381 881 euros. Aux Pays-Bas, 8 incidents ont eu lieu de mai 2015 à juillet 2016, causant des dommages de 1 317 898 euros. Et en France, entre juillet 2013 et décembre 2016, on dénombre 81 accidents avec des indemnités variant de 150 à 75 000 euros, selon les cas.
Le rapport indique également que l’unique accident de Roye (Somme) en juillet 2014, qui a coûté la vie à Luis Lesmes, cadre chez l’entreprise anglo-suisse Glencore, a coûté plus de 964 000 euros à Goodyear en frais juridiques uniquement. En effet, affaire a alors fait l’objet d’une investigation judiciaire au tribunal d’Amiens et d’une démarche civile à Nanterre. Cette dernière s’est finalement réglée à Londres par un accord discret qui a impliqué une indemnité massive (plusieurs dizaines de millions d’euros, d’après nos sources) pour la veuve de Luis Lesmes.
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