Né en 1928 à Oran, le pianiste et compositeur Maurice El Médioni a quitté l’Algérie en 1961, juste avant son indépendance, laissant une partie de lui-même là-bas. Il avait une affection particulière pour les jeux de mots, le swing, l’Algérie dans toute sa diversité et la joie de vivre. Avec son style hétérogène et chatoyant, il a contribué à forger la chanson francarabe, un genre judéo-arabe où des artistes comme Lili Boniche, Reinette l’Oranaise, Lili Labassi, Line Monty et Blond-Blond ont brillé, mettant en lumière l’influence de la culture juive sur les musiques du Maghreb.
Maurice El Médioni a accompagné tous ces artistes. Dans un univers musical où l’oud, le mandole et le violon étaient omniprésents, il a imposé le piano et des influences exotiques, apportant, comme il le disait, « un air de modernité ». Il aimait l’improvisation et transformait souvent les rythmes lents de la musique arabo-andalouse en guaracha.
El Médioni est décédé le 25 mars 2024 en Israël à l’âge de 95 ans. Tout au long de sa carrière, entamée avant la guerre et ponctuée de nombreuses pauses, il a raconté l’histoire des Juifs du Maghreb qui ont émigré en France avec les pieds-noirs expulsés pendant la guerre d’Algérie. Il avait une approche précise et appréciait la diversité de la tradition musicale nord-africaine. Selon lui, la musique de Cheikh Raymond Leyris et de son élève Enrico Macias, tous deux originaires de Constantine, était très différente de celle de sa ville natale, Oran.
Oran, avec son patrimoine culturel riche et diversifié, a été le berceau du style de musique raï chanté à la campagne, généralement associé à Cheikha Rimitti et sa voix gutturale. Rimitti était connue pour sa maîtrise du francarabe, un mélange de français et d’arabe dialectal. L’effervescence musicale de la ville a permis à Maurice El Médioni de développer son propre style, souvent apprécié par Line Monty pour sa capacité à « jouer puissamment avec les deux mains ».
Médioni était le neveu de Saoud l’Oranais (Messaoud El Médioni), un violoniste virtuose du style hawzi. Saoud était non seulement un musicien accompli, mais aussi un mentor pour Reinette l’Oranaise et avait ouvert un café au Derb, le quartier juif d’Oran, avec son frère, le père de Maurice. Saoud a été arrêté à Marseille en 1943 et est mort en déportation au camp de Sobibor, en Pologne.
Cependant, Maurice El Médioni insiste sur le fait que son amour pour la musique ne vient pas de son oncle, mais plutôt de son enfance pauvre après la mort de son père en 1935. Quand son frère aîné a ramené un vieux piano à la maison, c’est devenu le point de départ de sa passion pour la musique et le chant. Il adorait particulièrement les chansons de Tino Rossi, Charles Trenet et d’autres, avec des titres populaires tels que « La Romance de Paris » et « Je chante ». Apprendre le piano n’était pas un défi pour lui, il a maîtrisé l’instrument en une semaine, affirmant une totale symbiose entre son esprit et ses doigts.
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