Christine Razanamahasoa, la présidente de l’Assemblée nationale, et Herimanana Razafimahefa, sénateur, ont été démis de leurs fonctions par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) le 28 mars, à la suite d’une audience privée en visioconférence. Cette décision a été prise deux jours après la soumission de requêtes par les membres de la coalition présidentielle IRD. Razafimahefa avait déjà été écarté de la présidence du Sénat en octobre 2023 pour « incapacité mentale », une tactique pour l’empêcher d’assurer l’intérim de la présidence jusqu’aux élections, comme le stipule la constitution malgache, lorsque le président en exercice brigue un nouveau mandat. Malgré un boycott de l’opposition, Andry Rajoelina a été réélu au premier tour en novembre.
Actuellement, deux mois avant les élections législatives prévues pour le 29 mai, la présidente de la Chambre basse, élue en 2019 sous la bannière IRD, est dans la ligne de mire du dirigeant de Madagascar. Alors qu’elle était autrefois un de ses plus ardents soutiens, elle est devenue un obstacle après avoir demandé le report de l’élection présidentielle. En novembre, au cœur d’un climat préélectoral tendu, elle et le Conseil œcuménique des Églises chrétiennes (FFKM) ont cherché à établir un cadre de dialogue et de médiation avec pour objectif de persuader Andry Rajoelina de négocier pour assurer des élections justes et approuvées par tous. Ils n’ont pas réussi.
Le 23 Mars, suite à plusieurs mois sans faire de commentaires, ses allégations condamnant « une nation submergée par le mal et l’injustice complète », et « le peuple pris dans la pauvreté aiguë, vivant dans l’illusion de promesses vides, dans l’obscurité et la saleté” , ont catalysé sa chute.
Ouverture de la voie à toute forme d’abus
Paul Bert Velontsara, leader du groupe parlementaire IRD à l’assemblée nationale, a justifié sa démarche auprès de la HCC par les déviations continues de Christine Razanamahasoa « de la ligne politique du parti ». Ces déviations « menacent non seulement la cohésion et l’intégrité du groupe politique, mais surtout, sa position politique va à l’encontre de la constitution, mettant ainsi en danger la stabilité et la démocratie à Madagascar ». La HCC a approuvé son argument en citant une ‘infraction flagrante’ à l’article 72 de la constitution qui stipule qu’un député peut être révoqué s’il diverge de la ligne parlementaire de son parti.
L’ancienne présidente de l’Assemblée nationale, a dénoncé une « procédure illégale » et a demandé un délai pour préparer sa défense, avant de ne pas se présenter à l’audience qui a scellé sa destitution.
L’éviction de Christine Razanamahasoa semble être plus qu’une querelle personnelle avec le président; elle manifeste également l’inquiétude de voir son opposition obtenir du support politique lors des prochaines élections. « Les personnalités influentes, y compris certains députés normalement affiliés à la majorité, se sont ralliées à elle sous sa plateforme ces derniers mois. Elle pose une menace pour le président », explique un député, qui considère cette déchéance comme la chute de « la dernière institution du pays qui demeurait toujours légitime ». « Le chemin est dégagé pour toutes sortes d’abus et de violations. Toutes les institutions, de la HCC à la Commission électorale, en passant par le Sénat et maintenant l’Assemblée nationale, sont sous le contrôle direct du pouvoir », ajoute-t-il.
Les candidats aux élections législatives ont jusqu’au 8 avril pour soumettre leur candidature. Les partis qui avaient décidé de boycotter l’élection présidentielle ont maintenant décidé de participer. Leurs revendications n’ont pas changé : « Le retour à l’état de droit, le respect de la liberté d’expression et la transparence dans la gestion des finances publiques », souligne Hajo Andrianainarivelo, le président de Malagasi Miara Miainga (MMM), pour qui résister à la dérive autocratique de Madagascar est une priorité urgente.
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