Islam Khalilov, un jeune de 15 ans travaillant dans le vestiaire du Crocus City Hall, est devenu un héros après avoir sauvé un groupe de près de cent personnes lors de l’attentat du 22 mars qui a fait 143 morts. Les médias d’État russes ont été fascinés par lui, en partie à cause de son prénom et de ses origines kirghizes. Sa présence médiatique a augmenté ces derniers jours, pour tenter de contrer la montée de l’hostilité envers les migrants et l’Islam en Russie. Cette hostilité a été alimentée, parfois même par les autorités elles-mêmes.
Dans une vidéo diffusée par le Kremlin le 28 mars, le président russe Vladimir Poutine, lors d’une rencontre avec des militaires, a semblé exprimer son inquiétude à propos de l’idée que la Russie ne soit que pour les Russes.
Ce sentiment de nationalisme ethnique a été récemment promu par des ultranationalistes à Moscou, comme en témoigne l’agression filmée d’une femme d’origine Iakoute, durant laquelle l’un des agresseurs a fait un salut nazi. Cette agression fait partie des nombreux incidents recensés depuis que les terroristes de l’attaque du Crocus City Hall et leurs complices, affiliés à l’Etat islamique au Khorassan, ont été identifiés comme étant tous originaires d’Asie centrale – sept Tadjiks et un Kirghiz en particulier – pour la plupart résidant en Russie.
La tension et la haine se manifestent clairement, notamment via des agressions, des bagarres et une avalanche de sentiment négatif sur les plateformes en ligne. L’attaque récente a fait resurgir ou a révélé au grand jour un certain xénophobisme qui est profondément ancré parmi une portion de la population. On a remarqué une hausse d’annonces sur le marché immobilier ou de l’emploi qui stipulent qu’elles sont « seulement pour les Slaves ». Cette discrimination est couramment pratiquée en Russie, malgré les efforts du gouvernement pour y mettre un terme. À titre d’illustration, les chauffeurs de taxi originaires d’Asie centrale voient régulièrement leurs réservations annulées.
Même si les tensions augmentent, le gouvernement tente de détourner l’attention et la colère vers l’Ukraine et l’Occident, qu’il accuse d’être les « véritables instigateurs » de l’attaque. En effet, le quotidien « Argoumenty i fakty » a suggéré en première page d’envoyer « en enfer » les présumés coupables, citant entre autres Macron, Biden, Scholz et Zelensky. Le comité d’enquête a renforcé cette théorie en affirmant que « l’interrogatoire des terroristes capturés, l’inspection de leurs équipements techniques et l’analyse de leurs transactions financières ont produit des preuves de liens avec les nationalistes ukrainiens ». 59.63% de l’article original reste à découvrir pour les abonnés.