Découvrez tous nos bulletins d’information, critiques et reportages consacrés au conflit ukrainien. Le « Monde » vous propose des aperçus, des évaluations et des explications détaillées sur divers sujets:
– Comment Kiev utilise la tactique des « mille coupures » pour stopper la progression de la Russie.
– Le niveau d’hostilité de la Russie envers Paris, notamment à travers des provocations militaires, des insultes et des cyber-attaques, s’est intensifié.
– La France et l’Allemagne envisagent la coproduction d’équipements militaires en Ukraine.
– Le sentiment croissant de la menace de guerre en Ukraine au seins du 126ᵉ régiment d’infanterie de Brive.
– À Zaporijia, les autorités ukrainiennes et russes sont forcées de collaborer pour éviter un incident nucléaire.
– Peut-on envisager une victoire ukrainienne dans ce conflit ?
– Dans le Donbass, l’armée ukrainienne renforce ses défenses à un rythme effréné pour résister à l’avancée militaire russe.
– Adopter l’ukrainien comme langue de communication est devenu un geste de résistance : « Ecouter le russe me donne la nausée » déclare-t-on.
– Maria Andreïeva, épouse d’un militaire russe, exprime sa culpabilité : « Je regrette de ne pas avoir réussi à dissuader mon mari ».
Et pour répondre à une question fréquemment posée : Comment les drones sont-ils employés par Moscou et Kiev?
Depuis quelques mois, l’affrontement de drones entre l’Ukraine et la Russie s’est intensifié. D’après une étude publiée en mai 2023 par un groupe d’experts britanniques en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones par mois sur le front, soit plus de 300 par jour. Pour vous donner une idée, l’armée française ne possède qu’un peu plus de 3 000 drones dans ses stocks.
Les Ukrainiens et les Russes font un usage notable de petits véhicules aériens sans pilote (VASP), principalement de nature civile, économiques et facilement accessibles. Ces drones sont utilisés pour la surveillance du champ de bataille, l’orientation des troupes et le ciblage de l’artillerie. Certains sont même improvisés pour transporter de minuscules charges explosives, qui sont ensuite déposées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Les drones kamikazes, bien que plus rares, jouent aussi un rôle crucial. Équipés de charges explosives, ces VASP sont déployés au-dessus de la ligne de front sans mission prédéfinie. Moscou exploite des drones russes Lancet-3, ainsi que des Shahed-136 d’origine iranienne. Sans disposer d’une force navale respectée, l’Ukraine défie son ennemi avec des véhicules maritimes non pilotés, des petits kayaks téléguidés et chargés d’explosifs (450 kilos de TNT).
Prenant conscience du rôle primordial des drones dans leurs opérations, les Ukrainiens et les Russes ont pris des mesures pour assurer l’approvisionnement de leurs troupes sur le long terme. Ils n’ont pas seulement acheté en quantité des drones civils sur le marché, mais ont également établi des capacités de production internes. Au début de la guerre du Donbass, qui a éclaté il y a dix ans, l’industrie nationale ukrainienne était encore embryonnaire. Depuis, elle a fait de grands progrès. En fin août, le ministre de la transformation numérique d’Ukraine a révélé qu’une réplique du drone russe Lancet avait été conçue et serait prochainement mise en service sous le nom de Peroun, en référence au dieu slave de la foudre et du tonnerre.
La Russie, confrontée à des restrictions occidentales qui freinent son approvisionnement en composants électroniques, traverse une période complexe. Cela dit, les agences de renseignement américaines rapportent que Moscou a entamé la construction d’une installation manufacturière dans la zone économique d’Alabouga, avec pour objectif de produire des drones kamikazes de design iranien, comme les Shahed-136.
La connaissance précise de l’inventaire de missiles de la Russie reste une tâche quasi impossible. Les informations circulent par le biais des services de renseignement ukrainiens, mais leur fiabilité peut être remise en cause.
Andri Ioussov, représentant des services de renseignement du ministère de la défense (GUR), cité par Liga.net, a indiqué que l’armée russe détenait 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant la guerre, et qu’il en restait plus de 900 au début de l’année. D’après lui, il faut également compter des milliers de missiles antiaériens S-300 d’une portée d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’une quantité significative de S-400, une version plus récente ayant une portée trois fois supérieure. En août, Vadym Skibitsky, deuxième du GUR, faisait état de 585 missiles avec une portée de plus de 500 kilomètres.
Quant aux capacités de production, elles seraient désormais de l’ordre d’une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, d’après plusieurs experts. Le GUR estime cette production à 115 unités pour le mois d’octobre.
D’après des données soutirées de diverses sources iraniennes par l’agence Reuters, la Russie aurait obtenu 400 missiles iraniens de type Fateh-110 d’une portée de 300 à 700 kilomètres. L’acquisition se serait produite depuis janvier, lorsqu’un accord apparent aurait été établi. Il reste néanmoins incertain le nombre de missiles que la Russie a acheté de la Corée du Nord, bien que 24 aient été lancés en Ukraine entre fin décembre 2023 et début février 2024, comme le rapporte le procureur général, Andriy Kostin. L’analyse des experts sur les débris et les trajectoires suggère que ces missiles sont probablement des KN-23 et KN-24 d’une portée approximative de 400 kilomètres.
Concernant les avions de combat F-16, les États-Unis ont, en août 2023, approuvé leur transfert à l’Ukraine en réponse à une demande persistante du président ukrainien. Plus de 300 F-16 sont potentiellement disponibles dans neuf pays européens, dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas, et le Portugal, même si tous ces États ne sont pas en mesure de les céder instantanément.
Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, mentionne que 42 F-16 ont été assurés par les alliés occidentaux à Kiev, sans confirmation officielle. Le Danemark a promis d’en fournir 19, avec une livraison des six premiers prévue avant fin 2023, huit autres en 2024 et cinq en 2025, comme l’a déclaré la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également promis d’en céder, possèdent 42 unités mais n’ont pas spécifié combien ils envisageaient d’en offrir.
En complément, des formations pour les pilotes ukrainiens sont requises pour conduire ces avions de combat américains. Onze pays alliés à Kiev se sont engagés à former les pilotes. Selon l’OTAN, ces soldats ukrainiens seront opérationnels pour utiliser ces avions en situation de combat au début de 2024, tandis que certains experts pensent plutôt à l’été de la même année.
Quel est l’aide militaire que les alliés donnent à Kiev ?
Deux ans après le début d’une guerre à grande échelle, l’enthousiasme pour l’appui occidental à Kiev est en train de diminuer. Les nouvelles aides promises ont diminué entre août 2023 et janvier 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, selon le dernier rapport de l’Institut de Kiel, publié en février 2024. Et cette baisse pourrait continuer, le Sénat américain ayant du mal à faire voter des aides, et l’Union européenne (UE) ayant eu du mal à faire adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison du blocage hongrois. Il convient de noter que ces deux lots d’aide ne sont pas encore inclus dans le dernier rapport de l’Institut Kiel qui se termine en janvier 2024.
Selon les données de l’institut allemand, le nombre de donateurs diminue et se concentre autour d’un noyau de pays: les États-Unis, l’Allemagne, les pays du nord et de l’est de l’Europe, qui promettent à la fois un soutien financier élevé et des armes de pointe. Au total, depuis février 2022, les pays qui soutiennent Kiev se sont engagés à donner au minimum 276 milliards d’euros sur le plan militaire, financier ou humanitaire.
En termes absolus, les nations les plus prospères ont prouvé leur grande générosité. Les Etats-Unis se distinguent en tant que plus grands mécènes, annonçant une aide de plus de 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards consacrés à l’assistance militaire. Les pays membres de l’Union européenne ont manifesté leur soutien à travers des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives par le biais des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), totalisant 158,1 milliards d’euros.
Cependant, lorsque ces contributions sont rapportées au PIB de chaque pays donateur, le classement est modifié. Les Etats-Unis se retrouvent au vingtième rang (avec 0,32% de leur PIB), loin derrière des pays voisins de l’Ukraine ou des anciennes républiques soviétiques amicales. L’Estonie se place en tête des aides par rapport au PIB avec 3,55%, suivie par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). En complétant le top 5, on trouve la Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%). Les trois pays baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le commencement du conflit.
En ce qui concerne le classement du pourcentage de PIB, la France se situe au vingt-septième rang, ayant promis 0,07% de son PIB, juste après la Grèce (0,09%). L’aide française subit une diminution constante depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En effet, la France occupait la vingt-quatrième place en avril 2023, et la treizième en été 2022.
Quant à l’incertitude concernant les tensions à la frontière ukraino-polonaise, que savons-nous ?
Depuis quelque temps, l’Ukraine et la Pologne sont aux prises avec une situation tendue, principalement à cause du transit de céréales ukrainiennes. La Commission européenne avait initialement mis en place des « corridors de solidarité » au printemps 2022 pour aider à l’exportation et à la vente des produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient sans aucune charge douanière. Cependant, depuis le début du conflit, environ 50% des céréales ukrainiennes ont fini dans l’UE, comme le montre la Fondation Farm, une plateforme de débat sur les questions agricoles globales. Ces céréales offrent un prix nettement moins élevé que celui du blé produit dans l’UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale.
En raison de l’impact déstabilisateur de ces céréales sur le marché local et les revenus agricoles, certaines nations dont la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont décidé de barrer leurs importations de façon unilatérale en avril 2023. Bruxelles a approuvé cette décision à la condition que le transit vers d’autres pays ne soit pas entravé et que l’embargo ne persiste que pendant quatre mois. Puisque le problème sous-jacent n’était toujours pas résolu, Varsovie a pris la décision de maintenir sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes après l’été, en désaccord avec Bruxelles qui estimait que le maintien de l’embargo était injustifié car leurs analyses démontraient « qu’il n’y avait plus de déformation du marché local des céréales ».
Depuis la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, les fermiers Polonais instaurent un blocus pour entraver l’entrée des camions ukrainiens en Pologne. Ils revendiquent un « embargo total » sur les articles agricoles et alimentaires ukrainiens. Ils protestent contre l’augmentation résolue de leurs frais de production, tandis que leurs silos et entrepôts sont surpeuplés et les tarifs à leur plus faible. Le dirigeant ukrainien a estimé au commencement de 2024 que le blocus à la frontière polonaise démontrait « l’effritement de la solidarité » envers son pays, et a sollicité des discussions avec la Pologne. « Seul Moscou est satisfait » de ces frictions, a-t-il également déclaré, reprochant « l’émergence de slogans clairement pro-Poutine ».