Depuis une semaine, elle est en ébullition, elle serre ses dents et ne cesse de fixer du regard l’homme qu’elle accuse de l’avoir violée en 2016. Chaque fois que Salim Berrada prend la parole, Charline (un pseudonyme), avec des jambes tremblantes et des yeux chargés d’ombre, profère des commentaires emplis d’indignation et d’insultes. Parfois, elle oublie de murmurer et tout le tribunal l’entend, ses voisins tentent de l’apaiser, les avocats de la defense se retournent perplexe, le président du tribunal l’interpelle.
Charline est l’une des plaignantes les plus jeunes de ce dossier qui est actuellement en cours devant la cour criminelle de Paris depuis le 18 mars. Elle avait 18 ans quand elle a rencontré l’accusé, qui était à l’époque douze ans son aîné. Le vendredi 22 mars, cette jeune femme, maintenant âgée de 26 ans aux cheveux roux longs, s’est levée pour s’avancer à la barre, avec toute sa colère pour seul bouclier. C’était son moment, son dossier était le neuvième sur les dix-sept qui étaient examinés au tribunal (treize viols, quatre agressions sexuelles).
Un moment de déposition fébrile, elle a partagé son expérience, comme beaucoup d’autres avant et après elle, de l’invitation faite par un jeune photographe de mode pour un shooting dans son studio du 20e arrondissement de Paris. La boisson alcoolisée qu’elle a bu en arrivant là-bas, l’ébriété étrangement intense qui s’en a suivi et un acte sexuel non consensuel alors qu’elle n’était pas pleinement consciente.
A la fin de son témoignage, elle s’est tournée vers Salim Berrada pour lui lancer quelques mots – « Repens-toi! » – avant de retourner à sa place. Depuis son box, l’accusé avait réfuté: « En aucun moment moment pendant notre rapport, elle ne m’a dit “non, arrête.” Charline s’est levée et a quitté la salle.
/ »« Les femmes dans ta vie doivent sûrement te maudire! »
Le mardi 26 mars, le tribunal s’est occupé du quinzième cas, une accusation d’agression sexuelle ; la victime concernée n’était pas présente. Cependant, Charline était présente dans le public, comme tous les autres jours, écoutant avec attention.
Pour la quinzième fois, Salim Berrada a rejeté toute allégation d’acte sexuel forcé. Pour la quinzième fois, il a seulement admis qu’il aurait pu agir de manière répréhensible mais pas illégale. Pour la quinzième fois, il a supposé que sa dénonciatrice avait dû réinterpréter les événements inconsciemment. Il a fini par accuser une autre femme de mensonge pur et simple lors de sa déposition devant le tribunal quelques jours auparavant.
Dans le public, le niveau de frustration est à son paroxysme. Charline est à bout, elle se lève et crie : « Tu vas être puni, Salim! Tu vas être puni! Regarde-moi dans les yeux! » Une femme assise derrière elle tente de la calmer en lui couvrant la bouche ; elle résiste, furieuse, un murmure d’étonnement s’élève dans la salle.
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