Après l’attaque dévastatrice contre le Crocus City Hall le 22 mars, qui a entraîné la mort de 139 personnes et blessé 182 autres, l’Ukraine a été rapidement identifiée comme coupable en Russie. Les hauts fonctionnaires russes ont adopté cette explication sans hésitation. Lorsqu’un journaliste a demandé à Nikolaï Patrouchev, secrétaire du Conseil de sécurité, s’il pensait que l’Etat islamique ou l’Ukraine était responsable, sa réponse a été sans détour : »C’est bien sûr l’Ukraine. » Le procureur général Igor Krasnov a également soutenu cette thèse, suivant l’exemple de l’ancien président Dmitri Medvedev et d’autres dirigeants de moindre rang.
Une fois cette « vérité » acceptée, on passe à l’étape suivante : l’accusation formelle de complicité de la part des puissances occidentales. Jusqu’à présent, seulement les propagandistes les plus fervents du régime avaient suggéré que l’ouest avait été prévenu par les services secrets américains de l’imminence d’un attentat contre une salle de spectacle.
Alexandre Bortnikov, le directeur du FSB (service de sécurité), s’est montré le plus formel à ce sujet, déclarant mardi : « Nous croyons que l’attaque a été orchestrée par des islamistes radicaux, avec l’aide indubitable des services secrets occidentaux, et que les services secrets ukrainiens sont directement impliqués. » Les méthodes « les plus sales » sont utilisées, selon lui.
M. Bortnikov a affirmé, sans révéler l’origine de ses renseignements, que les attaquants présumés, qui ont été appréhendés samedi selon des sources moscovites dans une région à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie, étaient espérés en Ukraine pour y recevoir un accueil héroïque. Plus tard dans la soirée, le directeur du FSB a assuré que les déclarations faites par les suspects, qui ont été clairement torturés, corroboraient la « piste ukrainienne ». Il a également déclaré que son organisation avait reçu des avertissements de Washington concernant une attaque imminente contre un lieu de réunion de masse, et que toutes les mesures adéquates avaient été prises.
La veille, Vladimir Poutine avait fixé le cadre en prenant la parole au début d’une réunion gouvernementale. Bien qu’il ait reconnu, pour la première fois, que « cet acte criminel a été perpétré par des islamistes radicaux », il a fait une mise en garde : « Ce qui nous préoccupe, c’est l’identité du commanditaire. » Il a alors suggéré une réponse : « L’explosion du Crocus pourrait être une autre tentative de ceux qui luttent contre la Fédération russe depuis 2014 en exploitant le régime néonazi à Kiev » – ou, selon le discours russe, les Occidentaux.
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