Le Conseil constitutionnel tchadien a rejeté dix candidatures pour l’élection présidentielle, y compris celles de Nassour Ibrahim Neguy Koursami et Rakhis Ahmat Saleh, deux opposants ardents contre le régime actuel, comme annoncé le dimanche 24 mars par l’institution. Les dossiers de ces candidats ont été jugés non conformes et irrecevables en raison principalement de lacunes dans les documents administratifs requis.
Il reste désormais dix candidats, y compris le président de transition, le Général Mahamat Idriss Déby Itno, et son premier ministre, Succès Masra, un ancien opposant dont la participation est critiquée par l’opposition comme un prétexte pour donner une impression de diversité dans une élection qu’ils estiment déjà gagnée par Mahamat Déby.
Nassour Ibrahim Neguy Koursami, qui avait été sélectionné par le GCAP, une des principales plateformes de l’opposition tchadienne, a exprimé son indignation au micro de l’Agence France-Presse, affirmant que le régime refuse de s’opposer à une opposition crédible. Il a affirmé que le Conseil constitutionnel avait simplement validé la liste des candidats qui seront présents aux côtés du chef du régime pendant l’élection présidentielle.
Une enquête préliminaire a été initiée par le Conseil constitutionnel contre Koursami pour faux et usage de faux en raison de doutes sur des pièces justificatives fournies dans son dossier de candidature.
Rakhis Ahmat Saleh, candidat du Parti pour le renouveau démocratique au Tchad (PRDT), a pour sa part décrié les tactiques du Conseil constitutionnel pour écarter des candidats sans raison justifiée, qualifiant la situation de « véritable mascarade ».
Ahmat Mahamat Hassan, un expert constitutionnel tchadien, a observé que le processus n’est pas véritablement une élection mais plutôt une sélection de candidats pour soutenir le chef du coup d’état, dans le but de confirmer la continuité de la dynastie à travers Kaka [surnom de Mahamat Déby]. Le mouvement d’opposition tchadienne, Wakit Tamma, a appelé à un boycott de l’élection présidentielle, le dénigrant comme un clinquant destiné à maintenir une « dictature dynastique ».
Un communiqué par Wakit Tamma a fortement critiqué l’organisation des élections par les autorités transitionnelles sous la direction de Mahamat Déby, qui a été déclaré président de transition par un coup militaire en avril 2021, suite à la disparition de son père Idriss Déby Itno, qui a régné d’une manière autoritaire pendant trois décennies. Wakit Tamma avait aussi condamné l’Agence nationale de la gestion des élections (ANGE) et le Conseil constitutionnel comme étant « des instruments de fraude », « totalement inéquitables et sous la domination du coup d’état ».
Le fait que les principaux opposants à l’état ont vu leurs candidatures rejetées survient peu de temps après l’assassinat du cousin du général Déby, Yaya Dillo Djérou, considéré comme son rival politique principal. Il a été assassiné par balle, tirée à bout portant sur sa tête, le 28 février lors de l’attaque du siège de son Parti socialiste sans frontières (PSF). Une action selon le PSF visant à le débarrasser de la scène présidentielle, une allégation que le gouvernement a nié.
En début mars, Human Rights Watch, une organisation non gouvernementale, a demandé une « investigation autonome » avec le soutien d’organisations internationales sur « l’assassinat » de Yaya Dillo. Ils argumentent que « sa disparition soulève de sérieux doutes sur la situation politique du pays en prévision des élections ». Suite à cela, le Premier Ministre du Tchad, Succès Masra, a assuré qu’une « investigation de niveau international » serait réalisée par son administration afin de « définir les responsabilités » dans le décès du principal rival du régime militaire.