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« La Muse endormie » de Brancusi à Beaubourg

L’ovale du visage présente un nez finement ciselé, et les sourcils s’étendent jusqu’à se perdre dans des cheveux coiffés en un chignon élégant. Avec sa série du Baiser, La Muse endormie figure parmi les sculptures les plus célèbres de l’artiste Constantin Brancusi (1876-1957), un éminent personnage de l’art moderne. Du 27 mars au 1er juillet, le Centre Pompidou lui dédiera une vaste rétrospective à Paris.

Quant à la baronne Renée Irana Frachon, muse et inspiratrice de cette œuvre magistrale qui l’a généreusement offert au musée parisien, on ne connaît que très peu de choses à son sujet. Vincent Guiot, qui depuis quatre ans tente de la sortir de l’obscurité, s’étonne que rien n’ait été écrit sur cette femme qui a été l’amie de Brancusi pendant cinquante ans et qui a fait preuve d’une grande générosité envers l’État français.

Guiot, qui est passé successivement par la direction d’une galerie de photos et d’une pâtisserie à Toulouse, avant de s’installer en Bavière où il dirige aujourd’hui le château Rothenbuch, utilisé pour des séminaires, n’a pas étudié l’histoire de l’art. Cependant, sa curiosité insatiable a surpassé son absence de formation académique.

Aucune information sur la baronne n’est disponible sur Internet.

Le voyage commence en 2020, alors que le confinement est en vigueur, il a acheté un dessin d’un artiste suisse relativement inconnu, Rodolphe Théophile Bosshard (1889-1960), lors d’une vente aux enchères. En voulant approfondir ses connaissances sur l’artiste, il tombe sur un groupe Facebook dédié à l’artiste et qui s’est engagé à retrouver l’emplacement d’une de ses œuvres, le Portrait de la baronne Frachon. Qui est donc cette noble que Bosshard a dépeinte avec une coupe de cheveux masculine, tandis que d’autres artistes l’ont peinte avec un chignon bouclé? En recherchant « Frachon » sur internet, Vincent Guiot découvre de nombreuses pages dédiées à Benoît Frachon, le secrétaire général de la CGT de 1945 à 1967. Cependant, il ne trouve rien sur la Baronne, sauf qu’elle a inspiré La Muse endormie.

Pour approfondir ce mystère, Vincent Guiot a pris contact avec Doïna Lemny, l’une des spécialistes les plus reconnues de Constantin Brancusi. L’historienne de l’art, impressionnée par l’enthousiasme de Vincent, le met en relation avec Raphaël Armand, l’arrière-arrière-neveu de la baronne, qui le reçoit chaleureusement. « Il est naturel de tomber sous le charme d’une inconnue qui a tant contribué à l’histoire de l’art », déclare Raphaël, lui-même séduit par l’histoire fascinante de son ancêtre.

Raphaël Armand n’avait que 13 ans quand la baronne est décédée, en 1983, à l’âge remarquable de 102 ans et oubliée de tous. Depuis lors, il essaie de rassembler les pièces du puzzle d’une femme qui a fait de son mieux pour effacer son passé, en brûlant toutes les lettres qu’elle avait reçues de Brancusi et des écrivains avec qui elle avait eu des interactions tels qu’André Gide.

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