Isabelle Jonveaux, une sociologue spécialisée en religions et enseignant à l’Université de Fribourg, en Suisse, a centré ses travaux sur le rôle joué par l’ascèse dans les sociétés modernes. Son ouvrage, intitulé ‘Une culture de la satiété. Enquête sociologique sur le jeûne comme expérience spirituelle’, explore l’émergence de la pratique du jeûne spirituel au-delà des traditions religieuses classiques comme le Ramadan et le Carême.
Mme Jonveaux, spécialiste de l’ascèse chrétienne monastique, a également étudié le phénomène dans son ouvrage ‘Moines, corps et âme. Une sociologie de l’ascèse contemporaine’. Parallèlement à ces recherches, elle dédie son temps à l’étude du mode de vie monastique actuel en Europe et en Afrique, ainsi que des transformations religieuses dans le contexte moderne, notamment à l’ère d’Internet.
Dans sa recherche sur l’ascèse, Mme Jonveaux s’est notamment penchée sur l’évolution des pratiques ascétiques, et plus spécifiquement le jeûne, dans la vie monastique moderne. Elle a observé une diminution du jeûne dans la vie monastique contemporaine. Pourtant, elle note simultanément une croissance des programmes de jeûne spirituel destinés au grand public, basée sur son expérience personnelle en tant qu’enseignante à l’Université de Graz, en Autriche.
Les pratiques traditionnelles de jeûne religieux, comme celles suivies pendant le Carême et le Ramadan, ont été enrichies par l’ajout de jeûnes thérapeutiques et hygiénistes. Ces derniers sont particulièrement populaires dans les pays slaves et germaniques. Les jeûnes hygiénistes, instaurés par le Dr. Shelton (1895-1985) dans les années 1920, cherchent à aligner le régime alimentaire aux « lois de la nature ».
Je me suis personnellement passionnée pour le jeûne « holiste », présenté par le Dr. Buchinger (1878-1966) et son élève, le Dr. Lützner (1928-2020). Ce type de jeûne a gagné en popularité dans les pays germaniques à partir des années 1970 et en France dans les années 1990. Buchinger, un chrétien, a envisagé ce jeûne comme une solution à la diminution de la pratique religieuse au sein de l’Église.
Influencé par l’ambiance hygiéniste de son époque, il considérait le jeûne comme un moyen d’atteindre une sorte de jeunesse éternelle. Ainsi, j’ai orienté mes travaux de recherche vers ce sujet entre 2013 et 2017. Cela m’a permis de participer à deux stages de jeûne d’une semaine chacun, que j’ai enrichis par des entrevues individuelles.
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