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24 mars 2024 17 h 12 min

« Chiennes de Garde »: Revanche des Mexicaines

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Le domaine littéraire en Amérique latine a vu de nombreuses œuvres sur les violences de genre. Parmi elles, « La Saison des ouragans » de Fernanda Melchor qui décrit le meurtre brutale d’une « sorcière » (Grasset, 2019), et « Jeunes mortes » de l’Argentine Selva Almada (Métailié, 2015) qui aborde les meurtres non résolus de trois femmes. Aussi, il y a l’histoire de Gabriela Cabezon Camara, une autre Argentine, intitulée « Tu as vu le visage de Dieu » (L’Ogre, 2022) qui expose l’exploitation sexuelle d’une jeune fille en captivité.
Afin de se distinguer parmi ces œuvres, une réévaluation créative était nécessaire. C’est exactement ce qu’a réussi à faire Dahlia de la Cerda, une journaliste, activiste et écrivaine mexicaine née en 1985. Dans son premier livre « Chiennes de garde », un recueil de treize nouvelles audacieuses et souvent choquantes qui se connectent entre elles, elle a réussi à répondre à la brutalité subie par ces femmes avec une force plus grande encore. Ces histoires, écrites du point de vue féminin à la première personne, démontrent une détermination à non seulement résister, mais à riposter.

Dans cette histoire, Yuliana, la riche héritière d’un « narco », n’a aucun scrupule à engager une tueuse à gages professionnelle, la China, pour venger l’assassinat de sa meilleure amie du lycée par un petit ami jaloux. De même, Constanza fait appel à la China pour éviter qu’une ancienne vidéo pornographique, réalisée à son insu, ne refasse surface. De son côté, la China (la tueuse à gages, évidemment) retrace sans remords son parcours, du simple guet pour un puissant cartel à l’exécution du protégé d’un baron de la drogue.

Est-ce une simple inversion des rôles où les femmes seraient les assassines, au nom d’une fausse égalité des sexes, dans un contexte de violence omniprésente? Pas tout à fait. Par le biais de ce mécanisme, l’écrivaine met en lumière toutes les femmes rendues invisibles par le machisme dans un monde où la loi du plus fort prévaut et où la corruption entre trafiquants, politiciens et policiers est la norme. Elle le fait sans prendre de détours, avec un humour sombre et mordant. « On me demande souvent si je n’ai pas honte ou peur d’être la fille d’un tueur. Mon père n’est pas un tueur. Il n’a jamais tué personne, il a amplement les moyens de payer d’autres personnes pour faire ce travail à sa place », fait-elle dire à Yuliana. C’est là tout l’art de mélanger les genres.

Dans cet univers, les confrontations et les démonstrations de force se réalisent tant par le biais des armes que par les médias sociaux. C’est à travers des mises à jour de Facebook que Stefi et Yandel, le jeune père de son enfant, se querellent dans « Papillon de quartier ». Par ailleurs, Dahlia de la Cerda maîtrise parfaitement l’art d’entrelacer les genres : elles varient entre la littérature féminine, le récit politique, la lamentation onirique, le conte fantastique… Tout comme une autre écrivaine argentine, Mariana Enriquez, son écriture tranchante rappelle parfois, elle fait souvent appel au bon moment aux esprits et aux créatures surnaturelles du folklore latino-américain. Après avoir été violée par cinq hommes et assassinée dans le désert, la Negra, âgée de 17 ans, implore le Charro Negro, un personnage légendaire du Mexique, de l’aider à se venger. Vêtue des mêmes vêtements qu’elle portait la nuit de sa mort, elle reviendra pour faire subir à ses assaillants la peur de leur vie (« Le Sourire »).
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