« Au cœur de l’hiver », un ouvrage de Jean-Marc Rochette, peint par lui-même et publié aux Étages, compte 192 pages et se vend à 20 €. Rochette est un personnage intéressant, un tantinet imprudent qui a toujours eu une relation ardente avec la montagne, empreinte de mort et d’amour. Un accident d’escalade grave l’a presque tué lorsqu’il était jeune, un événement qu’il relate dans sa bande dessinée autobiographique exceptionnelle, Ailefroide (Casterman, 2018). Suite à cet accident, il s’est lancé dans le dessin et la peinture, formant plusieurs carrières allant de Edmond le cochon (avec Martin Veyron, Le Fromage puis Albin Michel, 1980-1993) à la bande dessinée célèbre Transperceneige (avec Lob et Legrand, Casterman, 1984-2000), adaptée en film par Bong Joon-ho en 2013 et plus tard en série sur Netflix. Il a également été illustrateur pour le journal L’Equipe avant de déménager son atelier à Berlin un certain temps, toujours en quête de comprendre sa propre essence. Peut-être a-t-il fini par se trouver en revenant à ses Alpes natales avant ses soixante ans : en 2017, il a acquis un refuge de montagne dans le hameau des Étages, situé dans la vallée du Vénéon du massif de l’Oisans (Isère).
L’œuvre « Au cœur de l’hiver » relate l’histoire de l’emménagement dans un lieu retiré, en pleine pandémie de Covid-19, une période marquée par des séries de confinements et de déconfinements dont l’ambiance quasi hallucinante et morose reste présente en mémoire. L’histoire débute avec Rochette et sa conjointe à Paris, où ils se réfugient longuement dans un atelier qu’il loue. Cependant, à l’automne 2020, ils décident de s’aventurer vers les Etages, amorçant ainsi une odyssée de renouveau. La décision de s’isoler au sein d’une montagne où l’accès peut être interrompu pendant des mois, marque le commencement d’une formidable aventure humaine et romantique.
En revanche, Rochette confie au “Monde des livres” son désir de narrer cette histoire, tout en constatant rapidement qu’une représentation sous forme de bande dessinée n’est pas envisageable. Fort de son expérience, il comprend que cette profondeur ne se prête pas à sa façon habituelle de visualiser une narration. Il décide donc de s’essayer à la littérature, tout en se persuadant qu’il n’insisterait pas si l’inspiration ne venait pas. Pour lui, la légèreté réside dans l’écriture.
L’auteur de « La Dernière Reine » (Casterman, 2022) s’est pour la première fois aventuré dans un récit entièrement écrit, malgré quelques illustrations disséminées dans le texte. L’interrogation demeure si une telle entreprise a été exigeante pour un créateur dont le principal mode d’expression est l’image. Rochette répond sans hésitation qu’il a éprouvé un immense plaisir à le faire, un sentiment bien plus intense que lorsqu’il travaille sur une bande dessinée. L’écriture a pour lui une légèreté qui n’existe pas dans la constitution graphique d’une histoire, où il doit constamment combattre les difficultés de représentation et de figuration. L’exercice devient d’autant plus agréable qu’il a un rapport complexe avec l’écriture, en raison de sa dyslexie qui lui a donné beaucoup de mal pendant son enfance. Il admet sincèrement n’aurait pas osé s’y essayer sans l’encouragement de Christine Cam, sa partenaire et éditrice. Une fois décidé, il rédige le récit en quatre mois. Il est l’un des premiers à être publié par Les Etages, maison d’édition nommée d’après le lieu de sa création. Vous devrez vous abonner pour lire la suite de cet article, car il reste 55,28% de l’article à lire.
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