Chaque année, approximativement un cinquième de l’eau potable en France est perdu via les systèmes de distribution. En 2022, d’après les données collectées et révélées par Sispea (l’observatoire des données relatives aux services publics d’eau et d’assainissement), cette perte représentait au moins 480 millions de mètres cubes d’eau potable. Ce volume massif est sous-estimé du fait que certaines collectivités, en particulier celles de moins de 3 500 habitants, ne sont pas contraintes de soumettre leurs données, et à cause des informations manquantes pour certaines grandes communautés. Malgré les limites, ces chiffres donnent un aperçu du problème. Les zones urbaines subissent les plus grandes pertes en volume avec presque un quart du volume total des fuites concentrés dans les vingt plus grandes villes pour lesquelles nous avons des données. La région métropolitaine de Nice-Côte d’Azur se place en tête avec près de 19 millions de mètres cubes d’eau perdus chaque année (soit 25 %), suivie par Paris (16 millions de mètres cubes) et les métropoles de Bordeaux (13,2 millions de mètres cubes), Montpellier (8,8 millions de mètres cubes), Nîmes (6,2 millions de mètres cubes), Rouen (5,4 millions de mètres cubes) et Grenoble (4,8 millions de mètres cubes).
En comparant la quantité totale d’eau perdue avec le nombre d’habitants desservis, nous obtenons une perspective différente. Les chiffres montrent un écart important, oscillant entre 0 mètre cube pour environ cinquante collectivités locales et 1 144 mètres cubes pour la commune de Lescun dans les Pyrénées-Atlantiques, avec une moyenne de 23,5 mètres cubes d’eau gaspillée par habitant et par an. L’infographie ci-dessus le démontre : Les collectivités responsables de la gestion de l’eau potable et qui supportent le poids de ce service ont tendance à avoir une plus grande perte d’eau par habitant (représentée par des couleurs plus sombres) que celles qui partagent cette responsabilité avec un regroupement de communes. Au total, 61 communes gestionnaires, six syndicats de l’eau et une communauté d’agglomération comptent plus de 100 mètres cubes de perte d’eau par habitant (soit l’équivalent de 500 baignoires de 200 litres).
Selon une carte publiée le 20 mars par l’association des intercommunalités de France, ces services communaux de distribution d’eau, dont les pertes sont supérieures à la moitié de l’eau distribuée, représentent, d’après leurs calculs, 151 des 198 services concernés. Le but de cette divulgation est de justifier la centralisation de ces services au niveau intercommunal, une transition supposée obligatoire à partir de 2026 conformément à la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République. Cependant, cette proposition a été contestée, notamment par le Sénat, et les déclarations ambiguës données par Emmanuel Macron en mars 2023 laissent présager un possible changement de cap.
Le gouvernement a décidé de concentrer ses ressources sur ces municipalités, souvent décrites comme des « zones sombres ». Dans le cadre du « plan d’eau », le président Macron a annoncé en 2023 l’allocation de 180 millions d’euros pour prioriser ces « fuites substantielles » dans les municipalités qui perdent plus de 50% de leur eau. Cependant, le défi de la perte d’eau transcende largement les limites des petites municipalités isolées. Bien qu’elles soient significatives, les fuites de ces 198 distributeurs ne couvrent que 6.7% du volume total perdu au cours de l’année, ce qui est légèrement inférieur aux pertes combinées des réseaux de distribution de Nice et Paris.