L’œuvre « Sur la plage » de Juliette Willerval, publiée par Alma et composée de 144 pages, est disponible à 16 € en version papier et 10 € en version numérique. L’histoire suit le protagonist qui retourne à une plage de Lisbonne, quarante ans après un événement traumatisant lorsqu’il avait six ans, dans le but de comprendre ce qui a causé une faille en lui.
Le premier roman de Juliette Willerval, « Sur la plage », se déroule comme une partie de Cluedo hypnotisante, où le protagoniste tente de dénouer les mystères de son passé. En se promenant dans les ruelles de la ville portugaise, il reconstitue le crime qui l’a transformé en un « enfant triste et fou ». Essayant de résoudre l’énigme, il pose des questions : s’est-il passé à Lisbonne ou à Paris ? Dans une librairie, à l’école, à la plage ou dans un appartement ? Et surtout, qui est le coupable – son père ou l’homme qui l’a ramené à ses parents après sa fugue ?
Le héros est une victime cherchant à comprendre pourquoi ces instants ont changé sa vie. Pour élucider cette « murder party », il va devoir naviguer entre différentes mémoires, divers suspects, différentes armes et hypothèses. Il doit non seulement se saisir des souvenirs mais recréer les contours, activer leur saveur pour déchiffrer leur sens. Le processus de résolution va nécessiter une reformulation des règles habituelles, convertissant le synopsis en un labyrinthe où s’opère la reconfiguration des différentes parties et des mouvements. Ainsi, il aura l’opportunité de traverser l’écran qui diffuse le film de son « histoire chaotique ».
Les sentences de Juliette Willerval sont comme des arbres, symphoniques, créant des ouvertures, captant les illusions d’optique, les échos et les duplications, tout cela dans le but de libérer la mémoire de son cocon. Elles cherchent à comprendre le moment où tout a commencé à se briser, observant les événements de l’intérieur et de l’extérieur, faisant une analyse exhaustive pour donner une nouvelle fluidité à la réalité. Effaçant l’événement lui-même (la fugue) pourr l’empreinte qu’il a laissée derrière lui. Ces associations dispersent une multitude de pistes, comme des petits cailloux que l’on peut suivre pour gravir l’escalier en spirale qui permettra au protagoniste de passer d’une pièce à une autre. Comme dans un jeu de société intime.
Les phrases ondulent et dessinent des courbes, ajustant leur parcours à ce jeu de société intime qui requiert plusieurs tours de table lisboètes, oscillant jusqu’à l’étourdissement pour entr’ouvrir successivement une porte après l’autre. Il navigue de la plage à une librairie qui lui rappelle une autre, à Paris, où, étant enfant, il pensait avoir aperçu son nom dans le titre d’un livre, et ajoute plus de courbes à la spirale des souvenirs. Il capture avec son filet à papillon des images occasionnelles, élargit le champ de la réminiscence, mais surtout celui de l’interprétation, entre déplacement et condensation. Sur un coup de tête, il vole le couteau tombé du sac d’un passant, rompant les unions temporelles. Progressivement, il réussit à cerner l’élément dévastateur, et ce couteau volé renvoie à un autre : juste après les vacances au Portugal, le père avait abandonné sa famille en emportant avec lui un couteau pour enfant, offert à son fils à Lisbonne – et donc une petite part de son fils. Une façon, dans le territoire vague de l’absence, de sauvegarder une place pour l’enfant. Mais aussi, inconsciemment, d’enfouir la scène fondamentale qui aurait pu transformer la vie du garçon d’une tout autre manière.
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