Le 5 janvier 1895, l’écrivain Emile Zola, né en 1840 et décédé en 1902, partage un repas chez son collègue de lettres, Alphonse Daudet. Ayant grandi à Aix-en-Provence, Zola avait cheminé d’une enfance marquée par le décès précoce de son père jusqu’au statut distingué d’auteur à 55 ans. L’ambition de Zola ne connaissait pas de limites ; après avoir achevé Les Rougon-Macquart – une saga familiale épique située à l’époque du Second Empire et couvrant vingt volumes – deux années auparavant, il aspirait maintenant à l’Académie française, une preuve supplémentaire de sa réussite sociale.
Léon Daudet, le fils d’Alphonse et un journaliste appartenant au cercle d’Edouard Drumont et Charles Maurras, deux agitateurs antisémites notoires, donne des détails déplaisants pendant le dîner sur le déshonneur dont est victime le capitaine Alfred Dreyfus, condamné pour trahison. Zola est scandalisé par ce récit. En tant que républicain fanatique, il trouve inacceptable toute forme d’antisémitisme, qu’il considère comme une attaque envers la démocratie.
Après avoir abandonné le journalisme, il a écrit deux éditoriaux dans Le Figaro, intitulés « Pour les Juifs » et « Le Syndicat », dénonçant l’antisémitisme rampant dans une grande partie de la société française. Sa lutte commença alors, une lutte qui le mena certes au Panthéon mais qui lui coûta son entrée à l’Académie française, sa Légion d’honneur, des comparutions devant les tribunaux et qui obscurcit peut-être la magnitude de son talent littéraire. Son engagement tenait en une phrase : « J’ai un seul amour dans la vie, la vérité, et un seul objectif : établir autant de vérité que possible. Tout ce qui favorise la vérité est excellent », comme il l’expliquait dans son recueil La Vérité en marche.
Il est injuste de réduire cet homme progressiste à ce « moment de conscience humaine » célébré par Anatole France. Au-delà de nos lectures d’adolescents, il convient de le voir comme un écrivain d’époque moderne qui décrit l’ascension de la bourgeoisie, l’appétit du pouvoir, la corruption et les passions humaines. Ses romans au style irrépressible, symphonique et d’une sensualité épique, couvrent différentes époques. Sa force réside dans sa capacité à faire prendre vie à des personnages peu représentés, comme les ouvriers dans Germinal. La relecture du premier chapitre de La Curée, qui présente un dîner mondain dans une résidence privée du parc Monceau, montre clairement que la méchanceté parisienne n’a pas évolué avec le temps.
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