Récemment, Sciences Po Paris a fait de nouvelles apparitions médiatiques dues à deux incidents distincts. L’un est lié au licenciement de Mathias Vicherat, le directeur, et de sa partenaire, tous les deux comparaissant devant le tribunal correctionnel pour des accusations de violences réciproques, ce qui a mené à la démission de Vicherat. Le second événement est une manifestation en soutien à la Palestine déclenchée par certains étudiants, qui est rapidement devenue antisémite en ciblant une étudiante. Vicherat a suscité une forte réponse politicienne suite à cet incident. Sylvie Retailleau, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a pris l’initiative le 12 mars en condamnant fermement l’événement. Par la suite, les propos de la ministre ont trouvé un écho au sein de l’Etat. Le premier ministre s’est exprimé sur cette question le lendemain devant le conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), indiquant que des mesures judiciaires seraient prises par le gouvernement contre les étudiants manifestants.
Il est une chose que le gouvernement exprime (justement) son indignation face aux actions irréfléchies d’étudiants politiquement surexcités – qui sont d’ailleurs plus radicaux car la plupart d’entre eux sont extrêmement privilégiés. Cependant, c’est une autre affaire quand il s’ingère dans l’administration interne d’une institution publique d’enseignement supérieur. Rien dans le décret de 2015 qui approuve les statuts de la FNSP n’envisageait une telle situation. Il est difficile de conclure de l’article 14, qui prévoit la présence au conseil d’administration de « deux représentants du gouvernement, nommés respectivement par le ministre de l’enseignement supérieur et le ministre du budget », qu’il autoriserait la nomination du chef du gouvernement, un peu précipitamment. Gabriel Attal s’est probablement invité à cette réunion de sa propre initiative, ce qui soulève des questions sur la légalité de sa présence, tout comme celle du ministre de l’enseignement supérieur.
Cela dit, même si on accepte une interprétation très large des textes, il reste que l’intervention du premier ministre au sein du conseil d’administration de la FNSP est une violation flagrante de la liberté académique. Cette dernière, peu connue en France, a deux aspects : institutionnel et individuel. Dans le premier cas, elle protège l’institution en tant que telle et dans le second, elle protège les individus, en particulier les membres du corps professoral. En tant que partie prenante de leur liberté académique individuelle, les universitaires ont le droit d’affirmer leur liberté de recherche, d’enseignement et d’expression face à toute menace, qu’elle soit politique, économique, religieuse ou étudiante.