Thomas Cazenave, Ministre délégué chargé des comptes publics, a annoncé le mercredi 20 mars, lors d’une conférence de presse à Bercy, Paris, que le dropshipping est désormais effectivement taxé. Cela fait partie du plan du gouvernement visant à lutter contre la fraude fiscale. Auparavant, grâce à une lacune dans la loi fiscale, certains e-commerçants avertis pouvaient légalement éviter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Le dropshipping est un modèle de commerce en ligne sans stock. Au lieu d’acquérir d’abord les produits auprès d’un fournisseur puis de les vendre à un client, un dropshipper attend de faire une vente avant de passer la commande auprès de son fournisseur. Il fait ensuite expédier les produits directement au client. Avec une faible exigence d’investissement initial, ce modèle a séduit de nombreux e-commerçants, certains étant des amateurs, qui parviennent à dégager des marges importantes en revendant sur leur site internet des produits en réalité achetés à des grossistes chinois tels qu’Aliexpress.
Comme Le Monde l’avait révélé en juillet 2023, certains dropshippers ont réussi les dernières années à convaincre les autorités fiscales à approuver une tactique qui leur permettait d’éviter la TVA de 20% normalement due sur leurs ventes en France. Cela leur a procuré un avantage significatif sur leurs concurrents, tout en privant le trésor public de recettes fiscales.
La ruse était de faire payer la TVA au client final, qui est le destinataire de l’article acheté. Cependant, cette TVA était rarement perçue, car ces petites livraisons de marchandises étaient difficilement détectables en douane.
Le fisc avait validé cette faille.
Malgré l’introduction d’une directive européenne en 2021 visant à réguler le secteur du commerce électronique en exigeant le paiement de la TVA par tous les vendeurs en ligne, elle ne couvrait pas spécifiquement les vendeurs indépendants de dropshiping. Ainsi, le texte législatif portait principalement sur les ventes effectuées via des intermédiaires tels qu’Amazon, Alibaba ou Facebook Marketplace, laissant une ouverture pour les dropshippers indépendants.
Profitant de ce vide juridique, Amine Tber, expert-comptable, et Marie-Anne Tchoudjem, avocate fiscaliste, ont prodigué des conseils à plusieurs acteurs de l’e-commerce désirant exploiter cette faille, moyennant quelques milliers d’euros. Pour minimiser le risque de litige, ces deux spécialistes ont même obtenu des « rescrits » de l’administration fiscale pour leurs clients – des documents légaux interprétant le droit opposable en cas de contrôle – attestant de la légalité de leur approche.
Cependant, avant la publication de l’article du Monde, le gouvernement avait repéré cette faille. Une initiative discrète pour combler ce vide a été introduite dans le plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale, annoncé par Gabriel Attal, ministre délégué aux comptes publics en mai 2023. Par la suite, la direction de la législation fiscale de Bercy a formulé un amendement au code des impôts, adopté lors de la dernière loi de finances en décembre 2023, visant à rendre l’évasion de la TVA illégale. Une suite de cet article est disponible pour les abonnés.