Après avoir été refusée l’année précédente, la fusion controversée des deux entités de sûreté nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), a été adoptée par l’Assemblée nationale le mardi 19 mars, par une majorité d’une seule voix. La ASN est en charge de la supervision et de la décision, tandis que l’IRSN est responsable de la recherche et de l’expertise.
La loi concernant la gouvernance de la sûreté nucléaire a été acceptée par 260 députés, contre 259. Une section des députés Les Républicains a joint ses voix à celles de la majorité. Contre toute attente, le Rassemblement national (RN), qui avait donné son accord sur l’article principal du texte la semaine précédente, a finalement voté contre.
« Nous n’avons aucune réponse et leur attitude est vraiment insupportable. Ils s’amusent à flirter avec nous dans les couloirs, cherchant notre approbation, mais n’écoutent jamais nos suggestions pour améliorer leur réforme. Et en plus, ils osent nous insulter en nous traitant de descendants de Pétain. Nous en avons assez », s’est justifié Jean-Philippe Tanguy, un député, lors d’un point presse, faisant référence à un échange lors d’une séance de questions au gouvernement plus tôt dans la journée.
Tous les groupes de gauche, qu’ils soient pro ou anti-nucléaires, ont voté contre.
Avant le vote, le gouvernement avait planifié de convoquer une commission mixte paritaire (CMP) le 3 avril, pour une adoption définitive dans les deux chambres en début avril. Cependant, le résultat de ce vote sur le texte qui sera émané de la CMP, composée de députés et de sénateurs, semble désormais incertain.
« Véritable girouette »
Selon la réforme, une nouvelle organisation, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), sera mise en place le 1er janvier 2025. Cette entité, qui sera créée par la fusion de l’ASN et de l’IRSN, emploiera environ 530 et 1 740 agents respectivement. L’objectif du gouvernement est de simplifier le secteur et d’accélérer les processus d’expertise, d’autorisation et de contrôle, dans le cadre du renouveau de l’industrie nucléaire.
Cependant, cette réforme a suscité la colère des syndicats des deux entités. Plusieurs élus, experts et associations se sont aussi opposés à celle-ci. Les critiques soulignent notamment le potentiel de désorganisation du système, la possible perte d’indépendance des experts et le risque de diminution de la transparence vis-à-vis du public. Lundi dernier, l’union syndicale de l’IRSN a exprimé de nouveau ses inquiétudes dans une lettre ouverte adressée aux députés. Elle a mis en garde contre les « risques majeurs » liés à ce projet, craignant notamment une « dégradation de la recherche » et une « désorganisation de la sûreté nucléaire en pleine reprise ».
Au sein de l’hémicycle, le plan décidé lors d’un huis clos présidentiel en février 2023 sur les fondements d’un rapport confidentiel a engendré de vives controverses. En mars 2023, le gouvernement a essuyé un premier échec, ne parvenant pas à concrétiser la fusion en légiférant sur l’accélération de l’énergie nucléaire. Le RN, de son côté, avait décidé de s’abstenir lors d’un vote à main levée. Deux semaines plus tôt, lors d’une séance légale dans l’hémicycle, le gouvernement a de nouveau été vaincu, une majorité de parlementaires, y compris ceux du RN, ont rejeté l’article principal du nouveau projet de loi. Cependant, de manière surprenante, ils obtiennent une large majorité lors d’une séance sur cet article le 12 mars. Des parlementaires ont critiqué l’inconstance du RN, Marie-Charlotte Garin, parlementaire écologiste les qualifie de « véritable girouette sur les questions d’énergie ».
Durant les discussions, le Ministre de l’Industrie, Roland Lescure, a plaidé en faveur d’une fusion qui établirait une entité « plus forte, plus ouverte, plus fluide et plus autonome ». Delphine Batho, l’ex-ministre de l’écologie a fustigé la décision du gouvernement d’éliminer la publication des opinions d’experts avant de prendre des décisions, sous la pression des lobbies nucléaires. Selon elle: « C’est le recul le plus significatif concernant l’information du public et la sécurité nucléaire en plusieurs décennies », accusant ainsi le gouvernement d’éroder la confiance du public dans la sûreté nucléaire.
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