Consultez toutes nos publications, évaluations et couvertures sur le conflit en Ukraine.
Les impressions, études et interprétations du « Monde ».
– Emmanuel Macron défend un soutien inconditionnel pour Kiev, risquant de se marginaliser sur l’échiquier politique français.
– Fin des grands noms russes comme Pouchkine, Dostoïevski et Tolstoï sur les étagères des bibliothèques ukrainiennes.
– La participation peu perceptible des forces armées occidentales en Ukraine.
– Des Indiens enrôlés à leur insu dans les forces russes.
– L’Ukraine a-t-elle toujours la possibilité de remporter la guerre ?
– En Donbass, les militaires ukrainiens fortifient le plus rapidement possible leurs positions pour ralentir l’avancée russe.
– La réincarnation de Chulpan Khamatova, actrice russe réfugiée en Lettonie.
– L’adoption de la langue ukrainienne, un geste de résistance : « Quand j’entends le russe, j’ai envie de vomir ».
– Maria Andreïeva, épouse d’un soldat russe mobilisé : « Je me blâme de ne pas avoir réussi à retenir mon époux ».
Nos éclairages sur vos interrogations les plus courantes.
Comment Moscou et Kiev se servent-ils des drones ?
Depuis quelques temps, la bataille des drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint un niveau sans précédent. D’après un rapport rédigé en mai 2023 par un groupe de réflexion britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones chaque mois sur le front, ce qui correspond à plus de 300 par jour. En comparaison, l’armée française possède légèrement plus de 3 000 drones dans son arsenal.
Les Ukrainiens et les Russes se servent avant tout de UAV (Véhicules Aériens Sans Pilote) civils, économiques et disponibles en grande quantité. Ces dispositifs sont utilisés pour l’observation du terrain de combat et pour guider les troupes et les tirs d’artillerie. Certains sont même modifiés pour transporter de petites charges explosives qui sont ensuite déposées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Les drones-kamikazes, bien que moins fréquents, jouent également un rôle crucial. Ces UAV, munis de charges explosives, sont déployés au-dessus de la ligne de front sans but précis. Moscou déploie des drones russes Lancet-3, ainsi que des Shahed-136, fabriqués en Iran. Ne disposant pas d’une véritable flotte de guerre, l’Ukraine répond en utilisant des véhicules maritimes sans pilote, soit de petits kayaks guidés à distance, et remplis d’explosifs (450 kilos de TNT).
Le fait que les Ukrainiens et les Russes se soient organisés pour soutenir leurs troupes à long terme démontre l’importance cruciale des drones dans leurs opérations. Ils achètent en grande quantité des drones civils sur le marché, mais ils ont aussi développé leur propre capacité de production. Au début de la guerre dans le Donbass, qui a commencé il y a dix ans, l’industrie ukrainienne était novice mais elle s’est depuis renforcée. Le ministre ukrainien de la transformation numérique a déclaré fin août qu’une réplique du drone russe Lancet avait été réalisée et qu’elle serait bientôt lancée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Bien que les sanctions occidentales entravent l’approvisionnement de la Russie en composants électroniques, les services de renseignement américains rapportent que Moscou a entamé la construction d’une usine de drones-kamikazes iraniens, spécifiquement les Shahed-136, dans la zone économique spéciale d’Alabouga.
En ce qui concerne l’arsenal de missiles russes, il est quasiment impossible de déterminer l’état actuel. Les informations d’espionnage ukrainiennes sont souvent partagées, mais leur fiabilité est douteuse.
D’après Andri Ioussov, représentant de la Direction Générale du Renseignement du ministère de la Défense, cité par Liga.net, l’armée russe avait environ 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant la guerre, et plus de 900 au début de cette année. En plus de cela, des dizaines de milliers de missiles antiaériens S-300, qui ont une portée d’environ 120 kilomètres, et un grand nombre de S-400, avec une portée triple comparée à celle du précédent, sont ajoutés au total, selon le porte-parole. En août, Vadym Skibitsky, le second commandant du GUR, a déclaré une estimation de 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.
En ce qui concerne les capacités de production, elles seraient montées à une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, selon plusieurs experts. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 unités.
Il a été rapporté que la Russie se serait procurée des missiles à courte distance en Iran et en Corée du Nord, et continuerait à en acheter. L’agence Reuters, citant diverses sources iraniennes, affirme que 400 missiles iraniens de type Fateh-110 (avec une portée de 300 à 700 kilomètres) ont été livrés à la Russie depuis janvier, lorsque un accord aurait été conclu. Le nombre de missiles nord-coréens achetés par la Russie n’est pas connu, mais on sait que 24 d’entre eux ont été lancés en Ukraine entre le 1er décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général Andriy Kostin. D’après l’analyse des débris et des trajectoires effectuée par des experts, il semble probable que le type de missiles en question soit le KN-23 et le KN-24, avec une portée d’environ 400 kilomètres.
Quant aux avions de combat F-16, suite à une demande de longue date du président ukrainien, les États-Unis ont donné leur accord en août 2023 pour les transférer à l’Ukraine. Même s’il existe une flotte potentielle de plus de 300 F-16 répartis dans neuf pays européens – dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal – tous les États qui en disposent ne sont pas en mesure de les céder immédiatement. Volodymyr Zelensky a mentionné que 42 F-16 avaient été promis à Kiev par ses alliés occidentaux, mais ce chiffre n’a pas été confirmé. Le Danemark s’est engagé à fournir 19 unités. Les six premiers ne devraient pas être livrés avant la fin de l’année 2023, huit autres suivront en 2024 et cinq en 2025, d’après la première ministre danoise Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également promis des F-16 à l’Ukraine, disposent de 42 unités, mais n’ont pas précisé combien ils prévoient d’en donner.
En parallèle, une formation spécifique à la gestion des avions de combat américains est requise pour les pilotes ukrainiens. Onze nations associées à Kiev ont promis de se charger de l’instruction de ces pilotes. Selon l’OTAN, il est prévu que les troupes ukrainiennes seront capable de manœuvrer ces avions en scénarios de combat uniquement au début de l’année 2024, tandis que d’autres spécialistes envisagent l’été de cette même année.
Quelle est l’étendue de l’aide militaire que les alliés octroient à Kiev ?
Le guide occidental à Kiev semble perdre de son élan deux ans après l’éclatement du conflit à large échelle. Entre Août 2023 et Janvier 2024, les soutiens récemment accordés ont régressé comparativement à la même période l’année précédente, d’après le rapport le plus récent de l’Institut Kiel, divulgé en Février 2024. Il est possible que cette tendance perdure, étant donné les difficultés rencontrées par le Sénat américain pour approuver des aides, et l’obstacle hongrois qui a entravé l’adoption d’une assistance de 50 milliards par l’Union européenne (UE) le 1er Février 2024. Il convient de mentionner que ces deux packages d’aide n’ont pas été inclus dans le bilan le plus récent dressé par l’Institut Kiel, qui ne va que jusqu’à Janvier 2024.
Les données issues de l’institut allemand indiquent que le groupe de donateurs se fait de plus en plus restreint et se centralise autour d’un noyau de pays constitué des Etats-Unis, de l’Allemagne, des pays de l’est et du nord d’Europe, qui s’engagent en faveur d’une aide financière conséquente et de l’équipement militaire de pointe. En somme, depuis Février 2022, les pays en soutien à Kiev se sont engagés pour un total minimum de 276 milliards d’euros en assistance militaire, financière et humanitaire.
Globalement, les nations les plus aisées ont tendance à être les plus généreuses. Les États-Unis surclassent tous les autres pays en termes de contribution, ayant promis plus de 75 milliards d’euros, dont 46,3 milliards sont destinés à l’assistance militaire. Les membres de l’Union européenne, quant à eux, ont promis à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives via les fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), atteignant un total de 158,1 milliards d’euros.
Cependant, lorsqu’on considère ces contributions en fonction du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, le tableau change. Avec seulement 0,32 % de leur PIB, les États-Unis tombent à la vingtième place, bien après des pays proches de l’Ukraine ou des anciennes républiques soviétiques amies. L’Estonie est en tête en termes de contributions par rapport au PIB avec 3,55 %, suivie du Danemark (2,41 %) et de la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) complètent le top 5. Les trois États baltes, qui servent tous de frontières soit à la Russie, soit à son alliée la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le début du conflit.
Quand on s’en tient aux pourcentages du PIB, la France se place vingt-septième, ayant consacré seulement 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’aide de la France a diminué sans cesse depuis l’occupation de l’Ukraine par la Russie – la France était au vingt-quatrième rang en avril 2023, mais au treizième rang l’été 2022.
Qu’en est-il des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne? »
Les tensions entre la Pologne et l’Ukraine se sont intensifiées au cours des derniers mois, principalement en raison du transit des céréales ukrainiennes. Au printemps 2022, l’Union Européenne a établi des « canaux de solidarité » pour favoriser la circulation et la vente de produits agricoles ukrainiens sans taxes douanières vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Cependant, environ 50% de ces céréales passent ou terminent leur route au sein de l’UE, comme le souligne la Fondation Farm, qui s’occupe des problèmes agricoles mondiaux. Ces céréales ont un prix inférieur à celui du blé produit en UE, surtout en Europe centrale.
En avril 2023, des pays tels que la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont cessé leurs importations, soutenant que ces céréales perturbaient le marché local et affectaient les revenus de leurs agriculteurs. Bruxelles accepta cet embargo à deux conditions : qu’il ne bloque pas le transit vers d’autres pays et qu’il soit limité à quatre mois. Toutefois, Varsovie n’a pas rétabli l’entrée des céréales ukrainiennes à la fin de l’été, arguant que le problème sous-jacent demeurait, malgré l’avis de Bruxelles, qui estimait que l’embargo n’était plus justifié car ses analyses indiquaient qu’il n’y avait plus de distorsion des marchés locaux de céréales.
Depuis un certain temps, la frontière ukraino-polonaise est bloquée par des agriculteurs polonais qui veulent stopper l’entrée des camions ukrainiens sur le territoire polonais. Leur protestation vise l’interdiction totale des produits agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine. Ils se plaignent d’une forte hausse de leurs frais de production en même temps que leurs entrepôts et silos débordent et que les prix atteignent un niveau record de bas. Le président ukrainien, quant à lui, voit dans cette situation de blocage une preuve de l’affaiblissement du soutien à son pays en 2024 et demande un dialogue avec la Pologne. Il affirme également que seule Moscou semble se satisfaire de ces tensions, faisant allusion à une montée des slogans pro-Poutine.
Laisser un commentaire