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Dilemme d’expatriation des jeunes chercheurs

Depuis qu’il a déménagé en Suède pour son post-doctorat en biologie il y a six mois, Nicolas (qui préfère garder l’anonymat), 27 ans, a un sentiment d’amertume persistant. Il se remet continuellement en question à propos de sa décision d’expatriation, qu’il espère être de courte durée. « Ai-je fait le bon choix? Cela va-t-il réellement bénéficier à ma carrière scientifique future? Combien de temps vais-je réellement être absent? Passe-je à côté d’événements de vie significatifs? ».
En dépit du plaisir de travailler dans un laboratoire formidable et de se réveiller chaque matin rempli d’enthousiasme pour un sujet de recherche qui le passionne, il a laissé derrière lui sa famille, ses amis, sa partenaire – avec qui il a partagé sa vie pendant trois ans et qui ne pouvait pas le rejoindre – et sa mère qui est malade, dans sa région d’origine, Rhône-Alpes. C’est un dilemme que de nombreux jeunes chercheurs français rencontrent, puisque de nos jours, effectuer un post-doctorat à l’étranger semble de plus en plus incontournable.
Tout comme Nicolas, environ 18% des doctorants français ont choisi de travailler à l’étranger trois ans après l’obtention de leur doctorat, d’après la dernière étude du ministère de l’éducation supérieure sur le sujet (2019). La plupart de ces chercheurs ont décidé de s’installer dans un pays européen (majoritairement au Royaume-Uni, en Suisse, en Allemagne et en Belgique), suivi par les États-Unis et le Canada. Pour comparer, en 2000, ils étaient seulement 7% à s’expatrier, d’après une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Ces pourcentages sont probablement sous-évalués en raison des difficultés de contact avec les doctorants français à l’étranger, nuancent ces études.

Selon Marie Sautier, doctorante en sociologie à l’Université de Sciences Po Paris et à l’Université de Lausanne en Suisse, les encouragements envers la mobilité, la publication dans les revues internationales, l’écriture en anglais, et l’établissement de partenariats internationaux sont devenus des pratiques standard pour les chercheurs émergents depuis les années 1990. Ce standard a été largement soutenu par les institutions académiques européennes dans le contexte de la mondialisation de la recherche et des carrières scientifiques, et de la compétition universitaire à niveau global.

Néanmoins, l’importance accordée à l’expérience internationale est variable d’une discipline à l’autre. Marie Sautier indique qu’un jeune chercheur en mathématiques ou en sciences de la vie est davantage encouragé à poursuivre un postdoctorat à l’étranger par rapport à un chercheur en sciences humaines ou en droit. Les statistiques officielles dévoilent que trois ans après leur thèse, alors que deux chercheurs français sur dix optent pour la mobilité, c’est le cas pour 30% des docteurs en biologie, médecine et santé, contre 12% dans les sciences humaines et sociales.

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