Va-t-on voir se répéter l’inhabituel? En 2023, le Canada a eu une année historique quant aux incendies de forêt, avec environ 6 700 feux ayant détruit 18,5 millions d’hectares dès avril, équivalent à la taille de la Grèce. Ces incendies étaient si intenses que la fumée s’est disséminée jusqu’aux États-Unis voisins. A la fin de l’hiver 2024, les spécialistes restent sur leurs gardes. « Prédire est incertain », affirme Yan Boulanger, un chercheur en écologie forestière chez Ressources naturelles Canada. « Des précipitations abondantes au printemps pourraient modifier rapidement la situation ». Cependant, ils s’accordent tous sur le fait que les conditions sont présentes pour une saison d’incendies précoces et potentiellement aussi destructrice que celle de 2023.
Vers l’ouest du pays, en Colombie-Britannique et dans la vaste province surnommée « les prairies » de l’Alberta, les stigmates de l’année précédente font craindre le pire. « Plus de 150 feux nés en 2023 sont toujours en activité en ce début de printemps », déclare Marc-André Parisien, un chercheur au Service canadien des forêts, basé à Edmonton (Alberta). Les années précédentes, seulement une quinzaine d’incendies continuaient à brûler en hiver. Ces incendies, connus sous le nom de « feux zombies », brûlent lentement dans les tourbières, qui sont les sols organiques profonds de la forêt boréale de l’Amérique ; ils ne produisent pas de flammes et parfois juste quelques fumerolles, mais menacent de se réactiver une fois la neige fondue.
« Une simple braise, stimulée par des vents à la température du chinook, peut instantanément convertir les herbes desséchées des prairies ou les aiguilles de conifères des bois en carburant », redoute M. Parisien. Tout l’hiver, nous avons été vigilants à surveiller les incendies d’hiver menaçant les villages, comme celui de Fort Lake au Nord, relate Josée St-Onge, représentante des pompiers de l’Alberta. Cependant, dès la fin du mois, une fois toute la neige fondue, nous réaliserons une « analyse thermique » pour identifier tous les points chauds actifs, puisqu’ils seront probablement les premiers à se transformer en feux dévastateurs », explique l’officier. Des fonds supplémentaires seront nécessaires. »
La peur d’une intensification précoce des incendies est alimentée par les conditions météorologiques inhabituelles de l’hiver que le pays vient de traverser. L’ensemble de la planète a expérimenté en janvier mois la température la plus haute jamais enregistrée, une moyenne de 13,14 °C, selon l’observatoire européen Copernicus, y compris le Canada, qui a connu des records de chaleur tout l’hiver. Le 9 février, la température était de 15 °C à Toronto (Ontario), où la température moyenne de saison est normalement de -2 °C, et la température des trois derniers mois au Québec était presque 4 °C plus élevée que la normale. Cet hiver exceptionnellement doux a également été accompagné par un faible enneigement : une carte des modifications climatiques, créée par le ministère de l’environnement canadien, indique qu’à la mi-mars, presque tout le territoire avait une couverture de neige en déficit de 30 à 40 centimètres, par rapport aux moyennes observées entre 1998 et 2011. La partie restante de cet article, soit 37,26%, est réservée aux abonnés.
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