Il y a des climatologues qui choisissent de s’engager dans des activités militantes, tandis que d’autres préfèrent contribuer au débat public de manière plus détachée. Les auteurs des études d’attribution se situent au carrefour de ces deux approches de la climatologie. Leur travail se focalise sur la quantification de la contribution humaine à l’aggravation et à la multiplication des phénomènes extrêmes, un sujet qui suscite de vifs débats dans la sphère diplomatique et judiciaire liée au climat. «Nous avons adopté un protocole et une méthode d’écriture rigourouse pour minimiser le plus possible nos préjugés personnels», explique Davide Faranda, expert des événements climatiques extrêmes à l’Institut Pierre-Simon-Laplace et coordinateur du Climameter, un groupe qui réalise des études d’attribution. «C’est un outil scientifique qui est mis à la disposition de la société…»
Les défenseurs du fonds « Loss and Damage » (« pertes et dommages ») ont un intérêt particulier dans ce domaine de la climatologie. Ce fonds, initié en 2022 lors de la 27ème Conférence des parties sur le climat à Charm El-Cheikh, en Égypte, a reçu ses premières promesses de contributions pendant la COP28 à Dubaï, aux Émirats arabes unis, en fin 2023, s’élevant à 661 millions de dollars, soit 607 millions d’euros. Son conseil d’administration, qui n’est pas entièrement formé, doit trouver la meilleure manière d’indemniser les pays en développement touchés par des pertes irréparables dues au changement climatique ou par des dégâts causés par des catastrophes naturelles.
L’importance de la science de l’attribution est soulignée, car elle mesure l’impact humain sur les événements extrêmes. Selon Fanny Petitbon, une spécialiste du climat qui travaille pour l’ONG CARE France, ces études peuvent servir à déterminer quels sont les pays les plus affectés et guider les discussions du conseil d’administration.
Cependant, plusieurs pays, y compris les États-Unis, sont réticents à l’idée de la création de ce fonds, car ils craignent que les pays en développement demandent un dédommagement basé sur la « dette climatique » des pays développés. Par exemple, les États-Unis, qui sont responsables de 25% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1850, devraient-ils compenser les populations affectées par la sécheresse en fonction de ce taux? Cette idée effraie de nombreux diplomates occidentaux.
Pourtant, Aglaé Jézéquel, climatologue au Laboratoire de météorologie dynamique, souligne que même si ces études d’attribution sont utilisées dans les débats, elles ne devraient pas être le seul critère d’attribution à cause de leurs nombreuses limites et des questions éthiques qu’elles posent. Par exemple, en se concentrant uniquement sur les pays affectés par les événements les plus influencés par l’homme, on risque d’oublier ceux qui ont également des besoins mais où aucune étude d’attribution n’a été réalisée.
Elle conclut en soulignant que ces études ne sont pas une solution miracle et qu’elles nécessitent des données fiables. Or, les pays les plus durement touchés sont aussi ceux qui ont le moins de données sur les événements extrêmes.
Le reste de l’article est réservé aux abonnés.
Laisser un commentaire