L’agitation interne qui secoue le Washington Post depuis le vendredi 25 octobre s’est transformée en un bouleversement majeur au cours du week-end, à quelques jours des élections présidentielles du 5 novembre opposant la démocrate Kamala Harris au républicain Donald Trump.
La situation qui prévaut dans l’un des journaux les plus renommés des États-Unis a déjà des retombées économiques significatives. La radio nationale NPR a rapporté que le journal a perdu plus de 250 000 abonnés entre le vendredi 25 et le mardi 29 octobre en milieu de journée. Le propriétaire du journal respecté, Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, est soupçonné d’avoir imposé à la rédaction de rester neutre dans l’élection présidentielle pour la première fois depuis 1988, provoquant l’indignation de certains lecteurs. Cette vague de cancellations représente 10% de ses 2,5 millions d’abonnés, une baisse sans précédent dans le secteur de la presse en si peu de temps.
Tout a commencé le 25 octobre, lorsque le directeur général, William Lewis, a annoncé que le quotidien, reconnu pour avoir dévoilé le scandale du Watergate en 1974, s’abstiendrait de soutenir un candidat pour l’élection présidentielle de 2024 ainsi que pour les élections futures. Cependant, une heure plus tard, deux journalistes du Washington Post ont révélé dans un article détaillé que la rédaction projetait de soutenir Kamala Harris et que c’est M. Bezos qui a décidé de bloquer la publication de cette position. Une « ingérence » selon eux.
La salle de rédaction a été instantanément perturbée par l’annonce. La syndicat des professionnels du journalisme a fustigé cette « intrusion » à la veille d’un scrutin crucial. Robert Kagan, un des chroniqueurs les plus expérimentés, a pris la décision de quitter, accusant une « reddition ». « En réalité, nous nous soumettons à Donald Trump par peur de ses prochains mouvements », a-t-il exprimé avec indignation lors d’une entrevue sur CNN, en faisant allusion à la réunion entre David Limp, le PDG de la société aérospatiale Blue Origin – propriété de M. Bezos – et Donald Trump le jour même.
Du côté de Jeff Bezos, il a nié le lundi 28 octobre, par le biais d’une chronique publiée dans le Washington Post, que ses intérêts personnels aient entrainé le manque de soutien à un candidat à la présidentielle américaine. Selon le milliardaire, cette résolution a « été entièrement décidée en interne ». Il soutient « ne pas influencer » en fonction de ses intérêts personnels dans les décisions éditoriales du journal qu’il possède depuis 2013. Alors que les appels aux votes émis par les comités de rédaction des journaux sont monnaie courante aux États-Unis, cette coutume « engendre en réalité un sentiment de préjugé, de manque d’indépendance », déclare-t-il. Selon le créateur d’Amazon, rompre avec cette coutume est « la décision judicieuse ».
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