Il y a près de deux ans, Yves Guillemot avait fièrement organisé une cérémonie au Palais d’Iéna à Paris, le 7 novembre 2022. Il célébrait ainsi le 30ème anniversaire d’Ubisoft, une entreprise qu’il a co-fondée avec ses quatre frères. L’entreprise française s’est hissée au troisième rang mondial dans l’industrie du jeu vidéo, offrant des titres populaires comme Assassin’s Creed, Watch Dogs, Les Lapins crétins et Just Dance. Malgré l’annonce de Vivendi qu’ils avaient augmenté leur participation dans Ubisoft avec l’intention de prendre le contrôle, l’atmosphère de la fête n’a pas été perturbée. Cependant, l’assaut s’est avéré infructueux, car Vincent Bolloré a vendu ses actions moins de quatre mois plus tard.
Cependant, la situation a changé drastiquement deux ans après. Le 15 octobre, une grève a été organisée à l’extérieur du siège de Ubisoft à Montreuil, la deuxième de l’année. La cause de cette protestation était l’annonce d’un changement dans la politique de télétravail de l’entreprise, qui emploie 21 000 personnes à travers le monde, dont environ 4 000 en France.
Les difficultés de l’entreprise ne s’arrêtent pas là. Le jeu Star Wars Outlaws, dont le coût de développement a été estimé entre 250 et 300 millions de dollars (soit entre 229 et 275 millions d’euros), n’a pas été aussi bien reçu qu’espéré. De plus, le lancement du nouvel épisode d’Assassin’s Creed a été reporté au-delà de la saison des fêtes. Il est indispensable que le jeu soit parfait, car Ubisoft ne peut pas se permettre un autre échec.
On peut donc dire que Ubisoft semble avoir perdu sa formule magique.
Les investisseurs n’ont rien manqué de ce qui s’est passé. En fin septembre, on a assisté à la chute spectaculaire de l’action tombée sous les 10 euros, très loin de son pic à 100 euros atteint en juillet 2018. L’idée d’un retrait de la bourse et d’une vente de l’entreprise n’est maintenant plus écartée. Au début d’octobre, même si l’entreprise a qualifié les interrogations sur son avenir de « spéculations de la presse », elle a également concédé qu’elle « examine constamment toutes ses alternatives stratégiques ». On dirait qu’Ubisoft a perdu la formule de son succès passée: maintenir son indépendance et développer des licences puissantes.
À travers son parcours, ce leader français a surtout parié sur ses propres compétences. Bien que quelques acquisitions judicieuses aient été réalisées, comme l’achat en 2000 du studio Red Storm Entertainment qui lui a donné accès à la franchise des Tom Clancy. En 2001, Ubisoft a aussi acquis la licence Prince of Persia. Les deux mouvements ont été de véritables coups de maître. Cependant, c’est largement grâce à ses propres productions qu’Ubisoft s’est fait une réputation.
En 1995, le studio a pu exploiter la sortie de la première PlayStation pour lancer Rayman, un jeu au succès mondial instantané. L’expertise d’Ubisoft a ensuite été de prolonger la popularité de ses licences en sortant de nouveaux épisodes ou en créant des variantes sur d’autres médias, comme les séries télévisées ou les films.
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