Pourquoi certaines nations glissent-elles vers une croissance économique plus élevée que d’autres ? Cette interrogation a préoccupé les économistes, Adam Smith pour n’en citer qu’un, depuis l’origine de cette discipline avec son célèbre travail inaugural, Research on the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776).
Pour leur interprétation de cette question, Daron Acemoglu, Simon Johnson et James Robinson ont été récompensés par le Prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel (plus communément appelé Prix Nobel d’Économie) en 2024. Leur théorie, qui fut exprimée dans l’article majeur et souvent cité, ‘The colonial origins of comparative development’ dans l’American Economic Review n°91, 2001 il y a vingt-trois ans.
Les trois auteurs, bien que de nationalités diverses – turque et américaine pour le premier, britannique pour les deux autres, ayant tous trois menés leur carrière entière aux États-Unis, ont étudié les taux de mortalité des colons blancs dans diverses colonies en les mettant en corrélation avec les taux de croissance actuels des nations issues de ces colonies. Ils ont déterminé qu’aux endroits où les colons ont eu la possibilité de s’installer, en raison de conditions sanitaires moins sévères, ils ont établi des institutions qui ont pu assurer des droits, notamment la propriété, et encourager le progrès technique et économique. Cependant, dans les régions où les conditions sanitaires n’étaient pas bonnes, ils se limitaient à réduire en esclavage la main-d’œuvre locale ou à l’importer pour exploiter les ressources locales, soit agricoles ou minières, dans le but de générer du profit, a détaillé Philippe Aghion, professeur au Collège de France.
Dans certains contextes, expliquent les auteurs dans un article publié l’année suivante, principalement centré sur le sud des États-Unis au milieu du 19e siècle (Reversal of Fortune, Quarterly Journal of Economics n °117, 2002), institutions initialement propices au développement peuvent devenir un poids lorsque la situation économique évolue – à l’image de l’économie de plantation confrontée à la révolution industrielle.
Comprendre les contextes institutionnels
Les auteurs ont ensuite élargi ce mode d’interprétation à d’autres secteurs. Daron Acemoglu a notamment illustré comment la technologie peut être soit réservée à une élite privilégiée, soit bénéficier à la majorité, en fonction du type d’institutions en vigueur. Simon Johnson a utilisé la même approche pour expliquer l’emprise du système financier américain par une petite classe d’élites bancaires, et les crises financières qui en résultent.
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