En regardant vers le haut, on aperçoit le roc du Vent, majestueux monolithe gris se détachant sur le ciel couvert de nuages. Sous nos pieds se trouve le lac de barrage de Roselend, d’un bleu intense. Tout autour, l’herbe encore verte malgré la fin de l’été, est broutée par un troupeau de vaches tarines à la peau couleur noisette et aux yeux bordés de noir. Nous nous trouvons à l’alpage Les Moillettes de la famille Frison, situé en plein cœur du Beaufortain, en Savoie.
Ce paysage à la beauté saisissante a été un véritable aimant pour Caroline Frison. « Après avoir fait des études agricoles, j’ai déménagé au Québec. Cependant, les montagnes et les vaches me manquaient énormément. J’ai donc décidé de rentrer », confie-t-elle. Agée de 33 ans, cette jeune femme s’est installée en 2017 avec ses parents, perpétuant ainsi une tradition familiale. Elle incarne la cinquième génération de cette exploitation laitière spécialisée dans la production de lait à beaufort. Autrefois, au temps de sa grand-mère, le fromage à pâte pressée était encore fabriqué sur place, dans le chalet d’alpage, dans une marmite chauffée au bois, et une douzaine de personnes se répartissait les travaux. À l’été 2024, Caroline Frison s’occupera du troupeau de 160 animaux, dont 85 vaches laitières, aux côtés de son père, avec le soutien d’un apprenti et d’un employé pour la fenaison.
La filière beaufort a été menacée par le développement de barrages, tels que celui de Roselend. L’ajout de nouvelles opportunités d’emploi auprès d’EDF et d’autres entreprises, ainsi que l’attrait du style de vie urbain, a réduit le nombre de personnes travaillant dans l’agriculture de montagne. Lors des années 1960, les coopératives ont été créées pour prendre le contrôle de la production et de la vente de beaufort. Elles ont formé l’Union des producteurs de beaufort pour défendre les normes de ce fromage AOP, obtenues en 1968.
De nos jours, les machineries de la Coopérative laitière du Beaufortain à Beaufort-sur-Doron s’occupent du salage et du retournement des meules de fromage. Ces procédures sont maintenues tout au long de la période d’affinage qui dure au moins cinq mois, mais idéalement entre huit et douze mois.
« Lorsque j’ai rejoint la coopérative il y a quinze ans, le fromage de plus de 40 kilos était salé manuellement. Cependant, en raison des problèmes de santé de nos employés, nous avons décidé de passer à la robotisation en 2017 », déclare Pierre Laurent, le directeur. Ce changement a permis de compenser la pénurie de candidats prêts à assumer ce travail laborieux.
A présent, les trente-sept employés de la coopérative travaillent en équipes pour produire le précieux fromage. Pendant l’été, qui est une période favorable pour la production du fromage, lorsque les vaches broutent de l’herbe fraîche et abondante en montagne, le lait est collecté deux fois par jour et l’usine fonctionne de 4h30 à 23h. En hiver, toutefois, la durée de production est réduite de moitié et la collecte du lait se fait seulement le matin en vallée. Cependant, les 14 millions de litres de lait collectés chaque année ne sont plus transportés de la ferme dans des bidons, appelés boyes. En 2017, la coopérative a décidé d’acquérir une flotte de camions-citernes pour le transport du lait.
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