Voici une illustration de la situation laborale de certains employés ruraux, notamment les gardiens de moutons, qui sont fréquemment obligés de se rendre sur leur site de travail avant le début de leur contrat. Alors, qui doit être tenu pour responsable si un accident survient pendant ce temps ? J. a d’abord été informé par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) des Alpes-du-Nord le 31 août 2023 qu’il s’agissait d’un « accident privé ». Cependant, cette gardienne de moutons espérait que sa cheville fracturée, qui s’était cassée deux mois auparavant lors de son arrivée sur son lieu de travail dans un alpage de Haute-Savoie, serait reconnue comme un accident de travail.
Son employeur l’avait convoquée la veille du commencement de son contrat d’un mois. Pour arriver à la cabane qui allait servir de domicile de fonction depuis le village le plus proche, on devrait compter environ quarante minutes de trajet sur une route très abrupte, accessible seulement avec le véhicule tout-terrain de l’employeur. Ils avaient prévu de s’y rendre ensemble dans l’après-midi, transportant le matériel et les provisions nécessaires avant l’arrivée des moutons le jour suivant.
Cependant, dès son arrivée à l’alpage, la femme d’une trentaine d’années se blesse en descendant du véhicule. Le diagnostic a été confirmé le jour même, le 3 juillet 2023, par un certificat médical indiquant une « fracture luxation trimalléolaire », soit une triple fracture de la cheville et du tibia, entraînant une interruption de travail temporaire de quatre-vingt-dix jours.
« Travail illégal »
Le contrat de travail de l’employée n’a commencé que le 4 juillet, un jour après l’accident en question. Suite à sa demande d’indemnisation pour un accident du travail, la MSA a rapidement refusé, arguant que l’incident était survenu avant le début officiel de son contrat. Toutefois, la mutuelle a indiqué qu’elle pouvait contester cette décision devant la commission de recours amiable.
Avec l’aide de la CGT, elle a décidé de faire appel. Dans deux lettres adressées à la commission, la CGT a fait remarquer que les conditions dans lesquelles les bergers de montagne commencent leurs emplois sont cruciales. Ils ont soutenu que la situation de J. n’était pas un cas isolé.
Le syndicat des gardiens et des gardiennes de troupeaux CGT a écrit que, dans l’immense majorité des cas, les bergers sont obligés de travailler un ou plusieurs jours avant le début de leur contrat officiel. Ils ne reçoivent ni salaire, ni protection sociale pendant cette période. Selon eux, cela est dû à la nécessité de se familiariser avec la montagne, d’installer l’équipement nécessaire pour contenir les animaux, de remettre en marche les équipements essentiels comme l’eau et l’électricité, et de prendre possession des lieux en y amenant leurs affaires personnelles. CGT a dénoncé cette pratique généralisée comme du « travail dissimulé ».
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