L’on note une présence dominante des boutiques d’optique tels que Krys, Afflelou, Grand Optical et Optic Santé, entre autres, dans la plupart des villes françaises de taille moyenne. Malgré une diminution progressive des commerces au cœur de leurs centres urbains, ponctué par des devantures inoccupées, ces magasins strient le paysage commercial. La France se distingue par cette concentration exceptionnelle de magasins d’optique, ayant un magasin par 5 400 résidents, un record mondial inégalé. Ce processus d’expansion ne montre pas de signe de ralentissement, bien qu’il soit moins rapide que pendant l’apogée d’il y a quinze ans, où plusieurs centaines de nouvelles boutiques s’ouvraient annuellement.
En se remémorant cette période effrénée, un acteur de cette industrie souligne que les complémentaires de santé généreuses, parfois sans restrictions pour certaines personnes, encourageaient l’achat d’équipements coûteux. Les opticiens bénéficiaient de marges bénéficiaires si importantes que certains magasins pouvaient survivre en vendant moins de trois paires de lunettes par jour. Ces conditions économiques atypiques se remarquent toujours.
Dès 2013, le cabinet d’études Xerfi avait qualifié un fait spécifique d' »anomalie économique ». En parallèle, la Cour des comptes décrivait le domaine concerné comme « obscure et peu compétitif ». L’association de consommateurs UFC-Que choisir dénonçait, quant à elle, le coût « astronomique » des lunettes en France, qui conduit à un renoncement significatif aux soins pour les moins aisés. Pascal Perri, dans son enquête critique intitulée Rien que pour vos yeux (Anne Carrière, 2013), présentait la situation comme un « scandale », soulignant une tendance aux « surfacturations », où les opticiens basent souvent leurs devis, selon lui, non pas sur les véritables besoins du client, mais plutôt sur le remboursement maximal offert par son assurance complémentaire.
Face à ces avertissements constants, les autorités ont été poussées à légiférer dès 2014 (loi Le Roux sur les réseaux de soins), dans le but de freiner la spirale inflationniste de ce marché dépassant les 7 milliards d’euros, et d’assurer à tous les citoyens français la possibilité d’acquérir des lunettes. Plusieurs mesures réglementaires ont été mises en place pour éliminer les pratiques excessives dans ce secteur, le rendre plus transparent et faciliter l’accès aux soins. Malgré cela, le coût total demeure élevé sur ce marché en croissance où les garanties optiques restent solides, et où les préoccupations esthétiques ainsi que la qualité du confort visuel sont des critères de choix essentiels.
En effet, une paire de lunettes se distingue comme un article unique car elle combine à la fois un rôle médical et un rôle esthétique, avec un remboursement principalement assuré par les assurances complémentaires, plutôt que par l’Assurance-maladie, ce qui est une exception à la règle. Ces assurances complémentaires ont donc trouvé dans ce remboursement une nouvelle opportunité commerciale. « Dans leur course pour se tailler une part du marché, surtout dans les contrats collectifs, elles ont cherché à offrir les garanties optiques les plus attractives », explique François Lévêque, économiste et professeur à Mines ParisTech. Cette concurrence a conduit à une augmentation des prix et à une perception trompeuse de gratuité par les assurés, qui n’ont pas hésité à renouveler leurs lunettes chaque année, vu que c’était autorisé. »
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