Cory Doctorow, un auteur, activiste et professeur de renom, est originaire de Canada et habite actuellement à Los Angeles, en Californie. Il a notamment écrit « The Internet Con. How to Seize the Means of Computation » et « The Bezzle », deux ouvrages non traduits publiés respectivement par Verso en 2023 et Tor Books. Doctorow se consacre à l’observation du progrès numérique depuis les premières heures du Web, partageant ses perspectives sur son propre site Pluralistic et à travers diverses plateformes médiatiques, dont le Financial Times. Récemment, en décembre 2023, il a qualifié l’intelligence artificielle (IA) de « bulle » lors d’une chronique, un sujet qui suscite de plus en plus de discussions au sein de l’industrie ces temps-ci. Il exprime des réserves quant à la viabilité économique des vastes structures de IA utilisées par les robots conversationnels comme ChatGPT.
« Le Monde » est ravi de lancer « Les entretiens de l’IA », une série d’interviews visant à éclaircir le débat sur les divers aspects de l’intelligence artificielle. Au fur et à mesure, nous partagerons nos conversations enrichissantes avec des représentants de tous horizons : leaders de l’industrie, experts dans les domaines les plus affectés par cette technologie, observateurs, essayistes, chercheurs. Vous pourrez trouver l’ensemble des entretiens ici.
Pourquoi considérez-vous l’IA comme une « bulle » ?
Selon lui, l’IA a toutes les caractéristiques d’une bulle. Il cite l’exemple d’entrepreneurs qui intègrent le terme « IA » dans leurs produits afin d’augmenter leur valeur en bourse, sans véritable compréhension de ce que cette technologie peut réellement leur offrir. Il compare cela à la tendance autour de la blockchain, une technologie utilisée pour authentifier les actions, telle que les transactions en cryptomonnaies lors de sa popularité.
Il est courant de voir de nombreux investissements entrant dans le segment des concepteurs de modèles d’intelligence artificielle (IA), qui enregistrent fréquemment des pertes. L’espérance est que ces sociétés persuaderont les clients prêts à débourser suffisamment pour éponger le coût de production de ces programmes. Toutefois, ces entreprises peinent à détailler leur stratégie pour y parvenir. De plus, il semble que tout le monde soit enclin à débattre de l’IA, même sur des sujets sans lien apparent, tels que le changement climatique.
Pourquoi vous posez-vous des questions sur le modèle économique des principaux modèles d’IA ?
Il y a un déséquilibre entre les coûts, qui sont considérables, et les revenus potentiels. Un grand nombre des applications de l’IA qui offrent les perspectives de revenus les plus prometteuses sont vulnérables à ce que le secteur nomme les « hallucinations », c’est-à-dire les erreurs (telles qu’une réponse incorrecte dans un texte). Pourtant, personne dans le domaine de l’IA n’a une théorie crédible sur comment ces erreurs peuvent être éliminées.
Lorsqu’on aborde ces cas d’utilisation sensibles (comme la santé, la conduite autonome des voitures, etc.), les entreprises de l’IA suggèrent généralement d’inclure un humain dans le processus pour vérifier la décision ou le contenu produit par le logiciel. Néanmoins, la valeur pratique et financière de ces IA, d’après leurs concepteurs, réside dans leur capacité à agir beaucoup plus rapidement que les humains. Et si des individus sont nécessaires pour réviser chacune de leurs initiatives, cela réduit la rentabilité et les gains de productivité potentiels.
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