Muddy Waters, le fléau de Casino, a fait son retour en France, ciblant maintenant une société du CAC 40. Cette fois, le fonds activiste dirigé par l’illustre short-seller américain Carson Block a rendu public un document de 35 pages le lundi 24 juin, critiquant vivement Eurofins Scientific, le titan mondial de la bio-analyse. Il reproche à l’entreprise d’être « conçue pour la fraude ». La firme, originaire de Nantes en 1987 mais ayant par la suite déplacé son siège à Bruxelles, n’a, pour l’instant, pas répondu à ces accusations.
Suite à une pause, le cours de l’action d’Eurofins subissait une dégringolade de presque 17% lundi, provoquant une évaporation de 1,7 milliards d’euros de la capitalisation boursière. M. Block mentionne qu’il détient une position de vente à découvert, c’est-à-dire qu’il a initialement emprunté des actions de l’entreprise, les a revendus, avec l’intention de les racheter à un prix moindre plus tard, afin de les rendre à leur propriétaire, obtenant par la même occasion un joli bénéfice.
Cependant, le financier se décrit également comme un journaliste d’investigation. Il affirme que ce document est un « avis journalistique » dans son introduction. Son étude se base principalement sur des « sources », anciens salariés d’Eurofins avec lesquels il a pu s’entretenir, citant leurs dires anonymement. M. Block n’a pas pris contact avec la société co-fondée et gérée par le français Gilles Martin, mais a manifestement fait poser des questions par d’autres investisseurs.
Il décrit la firme comme une « foule d’entreprises ayant une âme de start-up ».
En octobre de l’année 2019, le surveillant de salmonelle et autres types de coronavirus avait fait l’objet d’une campagne militante menée par un vendeur à découvert. Le britannique ShadowFall avait souligné la structure très complexe d’une grande entreprise, qui compte 61 800 employés et qui a été constituée par des acquisitions. Il avait remis en question la fiabilité de la comptabilité d’Eurofins, et avait même suggéré la possibilité d’une crise de liquidités.
Toutefois, ces critiques avaient été rapidement mises au silence, car la pandémie du Covid-19 a fait grimper les bénéfices d’Eurofins et le prix de son action en bourse. Si bien que le spécialiste en bioanalyse a intégré le CAC 40 le 17 septembre 2021. Dans un article publié par Le Monde le 9 novembre 2021, Gilles Martin décrivait Eurofins comme un « amalgame d’entreprises ayant une mentalité de start-up ». À ce moment-là, la société valait plus de 23 milliards d’euros : depuis, sa capitalisation a été réduite de moitié, avant même la nouvelle attaque lancée lundi.
Les allégations de M. Block portent également sur la « complexité » de la structure et de la comptabilité d’Eurofins, qui serait, selon lui, en mesure de dissimuler des « irrégularités », dont certaines pourraient profiter à Gilles Martin, son principal actionnaire. L’ingénieur est à la tête d’Analytical Bioventures, qui possède 32,7 % du capital d’Eurofins et 60 % des droits de vote.
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