Catégories: Economie
|
22 juin 2024 5 h 09 min

« Saga de ‘Marianne’: Glissement Conservateur Lent »

Partager

De la vision centriste et résolument laïque de Jean-François Kahn à l’ardente catholicité et à l’opposition au ‘wokisme’ de Pierre-Edouard Stérin, Marianne, un journal hebdomadaire créé en 1997, a vu son histoire s’infléchir vers la droite au cours de ces presque trois décennies. Né en parallèle avec la gauche pluraliste de Lionel Jospin, le journal a souvent servi de point de critique de cette vision politique. Aujourd’hui, alors que le Rassemblement national (RN) semble sur le point d’accéder au pouvoir, il s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de son histoire.

Son parcours n’a pas été exempt de défis et de conflits internes. La dernière crise majeure ? Elle concerne le débat houleux autour de la vente prochaine de Marianne par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky à Pierre-Edouard Stérin, un entrepreneur prospère, fondateur de Smartbox, catholique déclaré et défenseur de Vincent Bolloré.

Le 21 juin dernier, une majorité de 60,3% des journalistes du magazine ont voté « non » à la question : « La rédaction doit-elle s’opposer à l’acquisition par Pierre-Edouard Stérin, indépendamment des garanties d’indépendance acquises ? ». Un journaliste estime : « Ce résultat est un signe fort qu’il ne s’agit pas d’une minorité isolée qui refuse l’arrivée de Stérin ». La crise atteint donc son apogée à peine neuf jours avant la fin des négociations exclusives prévues entre MM. Kretinsky et Stérin, fixée au 30 juin.

Durant plusieurs semaines, deux factions se sont opposées : Natacha Polony, la rédactrice en chef, qui a fini par soutenir le projet de M. Stérin, assure en même temps la protection de l’indépendance du journal. En revanche, un autre groupe croit qu’il est impossible de réconcilier les principes fondateurs du journal avec son futur investisseur probable.

Garantie d’Indépendance

Dans un geste théâtral, l’ancien ministre socialiste du redressement productif, Arnaud Montebourg est apparu le mardi 11 juin, aux côtés de l’envoyé de M. Stérin, Alban du Rostu, devant les employés pour discuter des garanties d’indépendance que le nouvel investisseur est prêt à offrir. En collaboration avec le milliardaire, M. Montebourg a consenti à présider le conseil d’administration du magazine si l’achat est concrétisé.

Deux jours auparavant, les déclarations de Natacha Polony ont irrité une partie de sa rédaction. « Elle nous a informé que ceux qui n’approuvent pas Stérin peuvent profiter de leur clause de cession et que la garantie d’indépendance est secondaire car elle assure l’exécution du travail », décrit une journaliste qui souhaite rester anonyme. Le communiqué de la société des journalistes de Marianne, le 23 avril, qui témoignait de « leur confiance et soutien » à la rédactrice en chef laisse désormais un goût amer à une partie de l’équipe qui se sent trompée. « Natacha a fait son propre ‘Baden Baden’, mais elle reste pour défendre nos revendications », déclarent ceux qui la soutiennent.

Il reste 72.1% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.